Le bain de bouche intervient en complément du brossage et du fil dentaire pour assurer l’hygiène bucco-dentaire. Suivant les formulations, il vise généralement à réduire la plaque dentaire, combattra les bactéries responsables des caries et des maladies des gencives, mais également à rafraîchir l’haleine et prévenir la survenue de l’halitose (ou mauvaise haleine). Certains bains de bouche contiennent également des ingrédients pour renforcer l’émail des dents et réduire la sensibilité dentaire. Toutefois, une étude publiée dans le Journal of Medical Microbiology le 4 juin 2024 par des chercheurs de l’Institut de médecine tropicale d’Anvers (Belgique) invite les utilisateurs de ce produit à plus de prudence et alerte notamment sur les effets néfastes des formules antiseptiques à base d’alcool.
L’effet destructeur du bain de bouche sur les bactéries buccales
Si le microbiote intestinal (aussi surnommé flore intestinale) est relativement bien connu, on sait généralement moins bien qu’il existe également un microbiote cutané, vaginal, mais aussi buccal. Or, tout un écosystème à l’équilibre très fragile régit le bon fonctionnement de ces microbiotes avec d’un côté les micro-organismes bienfaisants et de l’autre les pathogènes. Lorsque l’équilibre est rompu, les mauvaises bactéries peuvent alors en profiter pour prendre le pas sur les bonnes, nous exposant alors à un risque de maladie accru. Ce n’est pas sans conséquences pour notre santé. Par exemple, au niveau de la sphère buccale, de telles perturbations peuvent favoriser les aphtes, les mycoses ou encore les maladies des gencives. Cela peut aussi avoir des implications sur notre digestion.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs souhaitaient donc étudier l’impact du bain de bouche antiseptique à base d’alcool sur la flore buccale, et plus particulièrement du Listerine Cool Mint, dans le cadre d’une utilisation régulière. Pour ce faire, les chercheurs belges ont passé à la loupe le microbiome de 59 patients. Ils ont alors observé des effets délétères de ce produit dans la composition et l’abondance des bactéries dans la bouche après seulement trois mois d’utilisation quotidienne.
En effet, ils ont relevé une grande quantité de Fusobacterium nucleatum et Streptococcus anginosus, deux espèces de bactéries particulièrement opportunistes associées par des travaux scientifiques ultérieurs à plusieurs maladies gingivales (telles que la gingivite et la parodontite), ainsi qu’au cancer de l’œsophage et au cancer colorectal, tous deux potentiellement mortels. Dans leur papier, les scientifiques affirment aussi avoir observé une diminution des Actinobactéries, des bactéries connues pour leur importance clé dans la régulation de la pression artérielle.

Des résultats peu surprenants
Ce n’est pas la première fois que la science pointe les rince-bouche du doigt. Par exemple, une étude de 2014 publiée sur Science Direct affirmait qu’il y avait une augmentation du risque de cancer des voies aérodigestives supérieures. Néanmoins, les recherches en question portaient sur une utilisation plus intensive, soit trois fois par jour. Des dentistes et chercheurs ont aussi déjà signalé le risque d’irritation ou d’assèchement des muqueuses en cas de présence d’alcool. Cette nouvelle recherche apporte toutefois de nouvelles données et relance la discussion sur la manière dont on utilise ce produit d’hygiène au quotidien.
Faut-il cesser son utilisation ?
Si l’on conseille déjà souvent aux femmes enceintes de ne pas se servir d’un rince-bouche alcoolisé, les scientifiques vont ici plus loin : « la plupart des gens ne devraient pas en utiliser [des bains de bouche, NDLR] et s’ils le font, ils devraient utiliser des préparations sans alcool et limiter l’utilisation à deux-trois jours par semaine. » Néanmoins, même si cette étude met en avant des risques avérés pour la santé bucco-dentaire, ses auteurs veillent toutefois à rester prudents. Ils affirment en effet n’avoir pas pris en compte des facteurs tels que le régime alimentaire ou le tabagisme, autant de biais qu’un représentant de la marque Listerine utilisée ici n’a pas manqué de soulever dans la presse suite à la publication de ces recherches.
Malgré ces limites ainsi que l’échantillon réduit étudié ici, les chercheurs estiment que les utilisateurs de ces produits doivent être « conscients des implications potentielles » et les invitent fortement à se rapprocher d’un professionnel de santé, notamment d’un dentiste, pour une utilisation quotidienne guidée, et donc plus sûre à long terme.
Enfin, le communiqué accompagnant l’étude revient aussi sur l’utilisation du rince-bouche désinfectant pour réduire les risques de transmission de maladies sexuellement transmissibles (MST) qui avait originellement motivé le lancement de ces recherches. « Près de la moitié des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes déclarent utiliser des bains de bouche pour leur hygiène bucco-dentaire. Cette étude [indique] que cela a probablement un effet néfaste sur leurs microbiomes buccaux », tempère le Pr Chris Kenyon, l’un des auteurs de ces travaux.