Dans le cadre d’une étude menée récemment aux États-Unis, des chercheurs se sont intéressés à la cohabitation de plusieurs souches de bactéries. Or, il s’avère que certaines bactéries sont capables d’altérer des virus afin de les utiliser pour éliminer la concurrence.
Des virus dormants dans le génome
Tout d’abord, définissons le type de virus dont il est ici question, à savoir les bactériophages (ou phages). Il s’agit de virus présents dans toute la biosphère qui infectent seulement des bactéries. Outils fondamentaux de recherche et d’étude en génétique moléculaire, les phages ont été utilisés notamment en France entre 1920 et 1990 à des fins thérapeutiques comme de potentiels relais aux antibiotiques lorsque ces derniers ne faisaient pas d’effet.
Publiée dans la revue Science le 14 juin 2024, une étude menée par l’Université de l’Utah (États-Unis) a démontré une autre utilisation des phages. Les biologistes expliquent en effet avoir découvert plusieurs occurrences de bactéries qui conservent des fragments de ces virus dormants dans leur génome. L’objectif ? Les utiliser en tant qu’arme afin de tuer d’autres bactéries potentiellement capables d’empiéter sur leur territoire. Selon les chercheurs, ce phénomène aurait permis de maintenir une vie bactérienne riche et diverse sur Terre pendant des siècles.
Les biologistes ont focalisé leur attention sur des bactéries du genre Pseudomonas qui vivent sur une plante sauvage en Allemagne. Rappelons au passage que lorsque des bactéries sont présentes dans un milieu, elles se développent généralement à partir d’une seule souche. Or, dans ce cas, plusieurs souches cohabitaient.
Un genre d’arme biologique
Les biologistes ont réuni environ 1 500 génomes individuels provenant de cette population bactérienne et ont découvert que 99 % de ces mêmes génomes contenaient des fragments de virus. Ces virus étaient donc incomplets, comme s’ils avaient été endommagés lors de leur absorbation. C’est très étrange dans la mesure où lorsqu’un ADN étranger se trouve dans une bactérie, il est très rapidement expulsé. Au contraire, il est ici question d’une séquence virale VC2 retrouvée chez un ancêtre commun à de nombreuses souches de bactéries, présente au même endroit du génome, mais aussi présentant les mêmes altérations.

Pour les biologistes, certains phages auraient été « domestiqués » par les bactéries, puis utilisés comme arme contre leur concurrence. En somme, les phages se sont transformés en une sorte d’arme biologique. Plus précisément, lorsqu’une bactérie altère un virus, ce dernier peut s’accrocher à une bactérie ennemie sans la contaminer. Le virus n’injecte donc pas son génome dans la bactérie, mais creuse simplement un trou dans sa membrane. Le but ? Éliminer partiellement la barrière de la cellule afin qu’une partie de son contenu s’échappe, ce qui entraîne sa mort.
Enfin, les chercheurs ont affirmé que sur la plante sauvage de l’étude, des bactéries s’affrontent de cette manière depuis environ deux siècles, tuant leurs rivales ou finissant vaincues face à ces dernières. Au fil des années et des affrontements, les souches de bactéries apprennent à résister aux armes de leurs ennemies, sans qu’aucune ne prenne réellement le dessus.