Avis de recherche : un trou noir de 10 milliards de masses solaires

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Crédits : NASA, ESA, M. Postman (STScI), T. Lauer (NOAO) et l'équipe CLASH

Au centre de la galaxie Abell 2261 doit se trouver un trou noir aussi massif que plusieurs milliards de soleils. Pourtant, les chercheurs ne décèlent aucun signe de la présence d’un tel objet. Est-il simplement inactif ? A-t-il été projeté ailleurs ? L’enquête suit son cours.

Trou noir manquant

Nous savons depuis plusieurs années qu’au centre de toutes les grandes galaxies se cache normalement un trou noir supermassif. Certains de ces ogres cosmiques peuvent être des millions, voire des milliards de fois plus lourds que le Soleil. Globalement, plus une galaxie est grande, plus son trou noir central est massif.

Cela explique la surprise d’une équipe d’astronomes qui, en 2012, n’a décelé aucun signe de trou noir au centre de galaxie géante Abell 2261 avec Hubble. Vous la retrouverez à environ 2,7 milliards d’années-lumière de la Terre dans la constellation d’Hercule, non loin de l’étoile Vega.

Pourtant, si l’en croit les calculs, une telle galaxie devrait abriter un monstre d’au moins dix milliards de masses solaires. À titre de comparaison, le trou noir au centre de la Voie lactée ne représente qu’environ quatre millions de masses solaires.

Dans les années qui ont suivi, Marc Postman, du Space Telescope Science Institute, et Tod Lauer, du Laboratoire national de recherche en astronomie optique-infrarouge de Tucson (Arizona), à l’origine de cette étonnante observation, ont continué à scruter le centre de cette galaxie à la recherche de rayons X ou d’ondes radio susceptibles de trahir la présence du trou noir manquant. Ces travaux n’ont à l’heure actuelle toujours rien donné.

Mais alors, où ce trou noir est-il passé ? « C’est un mystère intrigant, mais nous sommes sur l’affaire« , assure le Dr Postman.

Récurage galactique

Les trous noirs sont invisibles par définition, mais le chahut (rayons X et ondes radio) causé par la matière enroulant ces objets peut être vu à travers l’univers.

En 1980, Mitchell Begelman, Martin Rees et Roger Blandford, trois astronomes, ont écrit sur la façon dont ces trous noirs pouvaient modifier l’évolution des galaxies qu’ils habitent.

Lorsque deux galaxies entrent en collision et fusionnent, leurs trous noirs centraux se rencontrent et forment un système binaire. Ces chercheurs ont alors fait valoir que ces deux trous noirs massifs pouvaient interagir avec la mer d’étoiles dans laquelle ils sont immergés. De temps en temps, l’une de ces étoiles se rapproche un peu trop près et se retrouve éjectée.

Au fil du temps, de plus en plus d’étoiles se retrouvent chassées et peu à peu, la lumière de ces objets autrefois concentrés se répand en un noyau plus large et diffus. Ne reste alors qu’un petit « pli » de lumière au centre de la galaxie où se trouve normalement le couple de trous noirs . Ce processus est appelé « récurage ».

Un « noyau récuré » était le genre de situation que le Dr Lauer et le Dr Postman pensaient avoir rencontré avec Abell 2261. Or, au lieu d’un « pic » retrouvé au centre du noyau, il y avait un creux. Comme si le ou les trous noirs supermassifs censés être au centre avaient tout simplement disparu.

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L’amas de galaxies Abell 2261. Crédits : NASA, ESA, M. Postman

Une hypothèse laisse à penser que l’ogre cosmique censé résider au cœur d’Abell 2261 s’est retrouvé projeté en dehors. Le processus de fusion de deux trous noirs aurait été accompagné d’un sursaut cataclysmique d’ondes gravitationnelles. Or, nous savons grâce aux modélisations que l’émission de ces ondes peut être très asymétrique. Il n’est donc pas impossible que le trou noir nouvellement formé soit éjecté, propulsé par une telle émission d’ondes gravitationnelles.

Si tel a été le cas, ce trou noir devrait cependant être quelque part, non loin du centre galactique.

Plusieurs pistes à suivre

Un examen plus approfondi de la galaxie a révélé quatre petits « nœuds de lumière » dans le noyau diffus. L’un d’eux pourrait-il abriter le ou les trous noirs ?

Une équipe dirigée par Sarah Burke-Spolaor, de l’Université de Virginie occidentale, a effectué des mesures spectroscopiques avec Hubble dans le but de mesurer la vitesse des étoiles contenues à l’intérieur de ces nœuds. Ces données auraient en effet pu aider à déterminer la présence ou non d’un objet supermassif les accompagnant.

Il s’est finalement avéré que deux de ces nœuds n’étaient probablement que des restes de petites galaxies cannibalisées par la plus grande. Les mesures du troisième nœud affichaient des barres d’erreur si grandes qu’il ne peut encore être considéré comme l’emplacement du trou noir. Enfin, le quatrième nœud, très compact et retrouvé près du bord inférieur du noyau, était quant à lui trop faiblement lumineux, même pour Hubble. Il reste donc également un candidat pour la cachette du trou noir.

Désormais, les astronomes attendent avec impatience le lancement du James Webb Telescope, le successeur tant attendu de Hubble, toujours prévu pour la fin du mois d’octobre. Cet observatoire pourra en effet examiner ces quatre nœuds avec davantage de sensibilité, permettant ainsi de déterminer si l’un d’entre eux cache notre suspect tant recherché.