Aux origines du nitrate d’ammonium, responsable de la rĂ©cente double explosion au Liban

Ammonium nitrate
Crédits : Tszrkx / Wikipedia

Il y a quelques jours, deux explosions ont dĂ©vastĂ© Beyrouth, la capitale du Liban. Mais qu’est-ce que le nitrate d’ammonium qui en est Ă  l’origine ? Pourquoi a-t-il Ă©tĂ© crĂ©Ă© ? Ce produit aujourd’hui en passe dâ€™Ăªtre mis de cĂ´tĂ© a trouvĂ© des applications dans l’agriculture, mais aussi dans la guerre.

De nombreuses catastrophes

Le 4 aoĂ»t 2020, une double explosion s’est produite Ă  Beyrouth (Liban) impliquant 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium. Le pays en deuil compte ses morts (plus d’une centaine), ses blessĂ©s (des milliers) et d’énormes dĂ©gĂ¢ts matĂ©riels. Il faut savoir que le nitrate d’ammonium est un produit Ă  l’origine d’une longue liste de catastrophes depuis une centaine d’annĂ©es.

Citons notamment l’explosion de l’usine AZF de Toulouse en 2001 faisant 31 dĂ©cès, environ 2 500 blessĂ©s et de lourds dĂ©gĂ¢ts matĂ©riels. Le nitrate d’ammonium est Ă©galement impliquĂ© dans la catastrophe du port de Tianjin (Chine) en 2015, causant 173 morts pour environ 800 blessĂ©s. Mais quelle est l’histoire de ce corps chimique controversĂ© ?

Création et utilisations

En 1909, le chimiste allemand Fritz Haber met au point un procĂ©dĂ© chimique de synthèse de l’ammoniac. Ce dernier se fait par hydrogĂ©nation du diazote qui reprĂ©sente environ 80 % de la composition de l’atmosphère terrestre. Consommant beaucoup d’énergie fossile, le procĂ©dĂ© est cependant peu coĂ»teux. Ainsi, ce dernier est repris par l’ingĂ©nieur Carl Bosch (BASF), Ă  l’origine d’une chaĂ®ne de fabrication industrielle.

Quatre ans plus tard, la première usine de fabrication d’ammonitrate (procĂ©dĂ© Haber Bosch) sort de terre Ă  Ludwigschaffen, siège de BASF. Initialement, la crĂ©ation du nitrate d’ammonium Ă©tait animĂ©e par la volontĂ© de permettre aux plantes de fixer l’azote. Ces dernières n’en sont en effet naturellement pas capables. Il s’agissait d’une alternative aux engrais organiques (effluents d’Ă©levage) dans l’agriculture.

Toutefois, la Première Guerre mondiale (1914-1918) vient tout bouleverser. En effet, l’intĂ©gralitĂ© de la production de BASF est utilisĂ©e par l’armĂ©e allemande pour produire acides nitriques entrant dans la composition d’explosifs. Ă€ la fin de la guerre, la technologie fait l’objet d’une diffusion Ă  l’international. En effet, les AlliĂ©s vainqueurs ont procĂ©dĂ© Ă  des dĂ©bauchages d’ingĂ©nieurs et des mises sous sĂ©questre des usines BASF.

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Crédits : Michael Spiller / Flickr

Un succès touchant bientôt à sa fin

La fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) sonne la dĂ©mocratisation des engrais minĂ©raux dans l’agriculture. Ainsi, une rĂ©volution agricole se prĂ©cise, car le procĂ©dĂ© Haber Bosch permet de dissocier les animaux des cultures. Les grandes cultures n’ont plus besoin de la proximitĂ© des Ă©levages, ce qui entraĂ®ne une remodĂ©lisation des espaces agricoles et une spĂ©cialisation des rĂ©gions.

Alors que des millions de tonnes par an utilisĂ©es chaque annĂ©e rien qu’en France, le nitrate d’ammonium montre pourtant ses limites depuis les annĂ©es 1980. En effet, ce produit est Ă  l’origine de pollutions des eaux de surface ainsi que de l’air. Dans notre pays, les marĂ©es vertes d’algues (Bretagne) et les pollutions de l’air (Ă®le de France) sont en effet en Ă©troit lien avec le nitrate d’ammonium.

Actuellement, le nitrate d’ammonium est un des enjeux de la Politique agricole commune (PAC). Ă€ Bruxelles, on discute d’un moyen de corriger les excès Ă  l’échelle europĂ©enne. Il est notamment question de revenir Ă  la polyculture-Ă©levage. Il s’agissait du système de production agricole en vigueur avant l’apparition du procĂ©dĂ© Haber Bosch.