La planète naine Cérès serait « un monde océanique », avec de l’eau liquide et salée coulant sous sa surface, selon une série d’études publiée ce lundi.
Découverte par Giuseppe Piazzi en 1801, Cérès est le plus gros objet de la ceinture d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter. Cette planète naine, autrefois considérée comme stérile, intéresse la communauté scientifique depuis le premier passage de la sonde américaine Dawn, en 2015.
À l’époque, la sonde avait enregistré d’étranges points anormalement brillants appelés « faculae » dans le cratère Occator de la planète naine, une structure d’impact vieille de 20 millions d’années. Les chercheurs suggéraient alors que ces taches pouvaient témoigner de la présence de carbonate de sodium (une sorte de sel) au fond du cratère.
La découverte était de taille. Et pour cause : ici sur Terre, le carbonate de sodium se trouve dans l’eau de mer, autour des évents hydrothermaux, où la vie pourrait bien être apparue il y a plusieurs milliards d’années.
Mais ce carbonate de sodium est depuis resté sujet à débat. Certains avançaient qu’il pouvait provenir de glace souterraine qui avait simplement fondu sous l’effet de la chaleur suite à l’impact responsable du cratère, avant de re-congeler ensuite. D’autres, en revanche, ont suggéré que Cérès abritait une couche de saumure liquide et profonde qui, au moment de l’impact, s’est infiltrée à la surface avant de congeler.
De nouvelles analyses des données de la sonde semblent désormais pencher pour la seconde hypothèse, beaucoup plus intéressante. Ces travaux ont été publiés dans les revues Nature Astronomy, Nature Geoscience et Nature Communications.
De l’eau liquide sous la surface
Ces données ont été collectées lors de la phase finale de la mission de Dawn. À cette occasion, les opérateurs ont réussi à plonger le vaisseau à moins de 35 kilomètres de la surface du cratère Occator.
À cette distance, Dawn a pu effectuer des mesures de gravité qui, combinées à des mesures thermiques, ont permis aux chercheurs d’enregistrer des variations de densité compatibles avec la présence d’un réservoir profond de saumure sous le cratère. Ce réservoir, peut-on lire, aurait alors pu être mobilisé par le violent impact responsable de la formation du cratère. Certaines poches de saumure auraient ensuite fini par jaillir en surface pour finalement créer les gisements de sel que nous observons aujourd’hui.
En outre, d’autres données ont également révélé que le taux de porosité de la croûte de Cérès diminuait en profondeur. Signe, peut-on lire, que de la roche se mélange à du sel sous la surface.
Enfin, tout en haut du dôme le plus brillant du cratère, les chercheurs ont également isolé la présence d’hydrohalite, une forme hydratée de chlorure de sodium. Point intéressant : ce minéral commun dans la glace de mer, mais qui jusqu’à présent n’avait jamais été observé hors de la Terre, a besoin d’énormément d’humidité et se déshydrate assez rapidement (en quelques centaines d’années tout au plus). Autrement dit, cela suggère que ces minéraux ont jailli en surface très récemment.
Cérès est un monde océanique
Maria Cristina De Sanctis, de l’Istituto Nazionale di Astrofisica de Rome, souligne que la présence d’hydrohalite est un signe clair que cette planète a déjà abrité de l’eau de mer. «Nous pouvons maintenant dire que Cérès est une sorte de monde océanique, dit-elle, tout comme certaines des lunes de Saturne et de Jupiter».
D’ailleurs, de l’eau sous la surface, il y en a peut-être encore. De quoi motiver l’envoi d’une nouvelle mission ? La NASA y pense. L’un de ces projets, prévoyant le déploiement d’un rover sur place, fait en effet l’objet d’une étude de concept. Celle-ci doit être publiée dans la Planetary Science Decadal Survey de l’agence en 2023.