Lucy et l’enfant de Taung ont un nouveau visage

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Crédits : R. Campbell, G. Vinas, M. Henneberg, R. Diogo

De nouvelles reconstructions faciales de Lucy et l’enfant de Taung, deux Australopithèques, montrent à quoi ces deux individus pouvaient ressembler à leur époque.

Qui était Lucy ?

C’est en 1974 que les chercheurs Yves Coppens, Donald Johanson et Maurice Taieb, en fouillant le site d’Hadar (Éthiopie) sont tombés sur les ossements de ce pré-humain. Avec 40 % des os retrouvés, ce squelette vieux de 3,2 millions d’années est l’un des plus complets jamais découvert. Il a depuis été rattaché à l’espèce des Australopithecus afarensis.

Grâce à l’analyse de ces ossements, et de l’environnement dans lequel ils ont été retrouvés, nous savons que Lucy mesurait entre 1,10 m et 1,20 m pour un poids d’environ 25 kg. Les découvertes d’autres crânes de ces mêmes pré-humains ont par la suite souligné un fort dimorphisme sexuel dans cette espèce. De par son petit gabarit, nous savons ainsi que Lucy était une femelle. Elle affichait également un visage prognathe abritant un petit cerveau d’environ 400 cm3.

Lucy était aussi bipède, se déplaçant au sol de manière un peu chaloupée, mais préférait grimper dans les arbres, en témoignent l’analyse de ses membres supérieurs un peu plus longs que ses membres inférieurs. D’abord considérée végétarienne, Lucy était vraisemblablement charognarde, découpant parfois la chair disponible avec des outils.

Enfin, il est désormais admis que Lucy n’est pas notre « grand-mère » à tous, comme nous le supposions au départ. En réalité, l’espèce Australopithecus afarensis se place sur une branche séparée de celle du genre Homo. Au mieux, elle est donc une très ancienne cousine éloignée.

Ceci étant dit, à quoi ressemblait-elle, précisément ? Des chercheurs de l’Université d’Adélaïde, en Australie, se sont penchés sur la question. Ils se sont également concentrés sur l’enfant de Taung, qui désigne le crâne d’un individu juvénile de l’espèce Australopithecus africanus découvert en 1924 près de Kimberley, en Afrique du Sud. Celui-ci serait décédé vers l’âge de trois ans il y a environ 2,8 millions d’années.

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Reconstitution du squelette de Lucy. Crédits : Gerbil/Wikipédia

Des reconstructions pas toujours cohérentes

Il existe naturellement déjà des reconstructions de Lucy et de l’enfant de Taung. Le problème est qu’elles ne sont pas toujours très cohérentes. Une analyse précédente des reconstructions de 860 hominidés (un groupe comprenant des humains, des singes et leurs proches disparus) à partir de 55 expositions de musée a en effet déjà montré des incohérences remarquables, même celles représentant les mêmes individus. Et Lucy n’échappe pas à la règle.

«Je m’attendais à trouver une cohérence dans ces reconstructions exposées dans les musées d’histoire naturelle, mais les différences, même là, étaient très importantes», explique l’auteur principale de cette étude Ryan Campbell, dans un article de blog.

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Endocaste naturel du cerveau de l’enfant de Taung. Crédits : Didier Descouens/Wikipédia

Un autre problème est que certaines reconstructions ont été fortement influencées par des contes imaginaires sur ce qui est « primitif » et « sauvage », par rapport à ce qui est « civilisé » et « moderne », poursuit Rui Diogo, de l’Université de Washington.

Ce dernier cite en exemple l’image emblématique de l’évolution humaine, « The March of Progress » de Rudolph Zallinger. Imprimée dans une série de livres scientifiques en 1965, celle-ci perpétue l’idée erronée que les humains ont évolué de l’animal à l’Homme à la peau blanche en passant par le singe selon une progression linéaire.

D’autres inexactitudes trouvées dans d’autres dessins ou expositions dépeignent également Lucy avec un compagnon et des enfants. Or, la structure de la famille nucléaire est une construction plus récente dans l’histoire de l’humanité.

Deux nouveaux visages

Dans le cadre de ces nouveaux travaux, les chercheurs expliquent avoir fait de leur mieux pour tenter de reconstruire les visages de Lucy et de l’enfant Taung en mettant de côté tous les a priori, tout en étant le plus scientifiquement précis. Ces visages, les voici.

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Les nouvelles reconstructions faciales, faites à partir de moulages de silicium pigmentés, de Lucy (à gauche) et de l’enfant Taung (à droite). Crédits : R. Campbell, G. Vinas, M. Henneberg, R. Diogo

Pour l’enfant Taung, les chercheurs ont utilisé des techniques traditionnelles de moulage pour faire un double du crâne à partir d’un autre moulage du spécimen original. Le crâne de l’enfant Taung avait été bien conservé, en revanche, ils devaient encore faire des hypothèses sur la façon de concevoir ses tissus faciaux.

La reconstruction de Lucy, quant à elle, était un vrai défi, dans la mesure où la plupart de ses os crâniens sont manquants. En revanche, sa mâchoire inférieure est assez complète, ce qui a aidé les chercheurs. Pour cette chère Lucy, ces derniers ont privilégié une teinte de peau similaire à celle des bonobos (Pan paniscus), tandis que les traits de l’enfant de Taung sont plus similaires à ceux des humains modernes originaires d’Afrique du Sud.