Une étude récente a démontré que les incendies en Australie entre 2019 et 2020 ont généré un énorme vortex de fumée. Celui-ci s’est même maintenu durant plusieurs mois dans la stratosphère ! Les chercheurs ont mis en lumière un phénomène atmosphérique spectaculaire très rare.
Des orages violents amplifiés par les feux
Sergey Khaykin est chercheur au Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations spatiales (LATMOS). Il s’agit d’un laboratoire de recherche français, notamment spécialisé dans l’étude des processus physiques et chimiques de l’atmosphère terrestre. L’étude parue dans la revue Nature Communication Earth and Environment le 21 septembre 2020 relate une découverte importante. Elle évoque un phénomène atmosphérique spectaculaire en lien avec d’intenses feux de forêt : les pyrocumulonimbus. Il s’agit d’orages violents faisant l’objet d’une amplification en raison de ces incendies. Ils peuvent engendrer des courants ascendants puissants, envoyant des panaches de suie et de glace jusque dans la stratosphère, soit entre six et seize kilomètres d’altitude.
En l’absence de lessivage par les précipitations, les particules de suie peuvent résider plusieurs mois dans la stratosphère. Celles-ci montent alors de plusieurs centaines de mètres chaque jour en raison du réchauffement de l’air. Or, ce réchauffement trouve à sa source l’absorption du rayonnement solaire par les particules de carbone-suie.
Un phénomène exceptionnellement intense
La science considérait ce phénomène de pyrocumulonimbus comme marginal jusqu’en 2017. Cette année-là, les grands feux de forêt au Canada ont provoqué des perturbations de la stratosphère à l’échelle planétaire. Par ailleurs, celles-ci peuvent être comparées aux éruptions volcaniques de niveau moyen. Néanmoins, avec la disparition de 5,8 millions d’hectares de forêt dans le sud-est du pays, les feux de forêt australiens en 2019/2020 ont favorisé une activité exceptionnellement intense des pyrocumulonimbus. Le plus intense des événements s’est produit la veille du Nouvel An lorsqu’un énorme mélange de fumée et de glace s’est soulevé jusqu’à 15 km d’altitude ! Deux semaines plus tard, des observations satellites ont montré que la perturbation stratosphérique avait déjà dépassé celle de 2017.
Les chercheurs ont observé les données de surveillance de l’atmosphère par satellite via divers instruments. Citons notamment le Lidar Caliop (Cloud-Aerosol LIdar with Orthogonal Polarization) ayant fourni des mesures à très haute résolution des panaches d’aérosols. Ces données ont mis en exergue une gigantesque bulle de fumée (voir vidéo en fin d’article) d’environ 1 000 km de large pour 7 km de hauteur. Or, cette bulle était très compacte et continuait de s’élever dans la stratosphère.
La création d’un vortex
Le système de prévisions opérationnelles du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) a produit des données qui n’ont pas manqué de surprendre les directeurs de l’étude. Selon ces données, les champs de vent ont révélé la présence d’un vortex. Il s’agissait d’un tourbillon d’air anticyclonique quasi ellipsoïdal entourant la bulle de fumée. Le réchauffement local par les particules a créé ce vortex, ce dernier ayant maintenu la bulle de fumée à l’intérieur même des vents durant toute la durée de sa vie.
Par ailleurs, si la bulle contenait des particules de fumée, cette dernière intégrait également de l’eau, du monoxyde de carbone (CO) et autres gaz de combustion à raison de plusieurs mégatonnes. De plus, les concentrations d’ozone étaient faibles à l’intérieur de la bulle. Ceci a mis en lumière la présence d’un trou d’ozone de plusieurs centaines de kilomètres.
En définitive, l’énorme vortex nommé Koobor aura parcouru 66 000 km et atteint une altitude de 35 km ! Évoquons également la création de deux autres vortex plus petits ayant survécu plusieurs semaines. La dernière fois qu’un tel nuage de particule était monté aussi haut dans la stratosphère, c’était en 1991. Le stratovolcan Pinatubo situé aux Philippines avait causé une éruption majeure. À l’époque, cette éruption avait contribué à un refroidissement de la Terre.