Australie : les incendies de 2019-2020 ont stimulé la pompe à carbone de l’océan Austral

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Crédits : EOSDIS Worldview.

Une étude dirigée par l’Institute for Marine and Antarctic Studies (IMAS) a identifié un renforcement de la pompe à carbone de l’océan Austral suite aux incendies majeurs de 2019-2020 en Australie. Elle illustre également la possibilité d’éliminer du CO2 de l’atmosphère par le biais d’un épandage massif de fer dans les eaux déficitaires en nutriments. Les résultats ont récemment été publiés dans la revue Geophysical Research Letters.

Les feux de forêt qui ont ravagé l’Australie en 2019-2020 ont libéré une quantité phénoménale de dioxyde de carbone (CO2), évaluée à quelque 720 millions de tonnes. Cet effet qui rétroagit sur le réchauffement climatique en l’amplifiant a toutefois été tempéré par les efflorescences de phytoplancton liées aux dépôts de fer dans la portion pacifique de l’océan Austral. En jouant sur la pompe biologique à carbone, les incendies ont donc indirectement favorisé son absorption par l’océan.

Fertilisation par le fer et absorption de carbone par l’océan

Parmi les nombreux éléments contenus dans les fumées, on trouve des nutriments comme le fer ou le zinc. Lorsque, portées par les vents, ces particules précipitent au-dessus de zones océaniques pauvres en composés nutritifs, elles favorisent des efflorescences de phytoplancton, aussi appelées efflorescences algales. C’est ce qu’il s’est produit à la suite des incendies australiens de 2019-2020 comme le rapportent de récents travaux.

« L’océan Austral joue un rôle essentiel dans le cycle mondial du carbone, il est responsable de près de la moitié du transfert annuel de carbone depuis les eaux de surface vers les abysses », explique Jakob Weis, auteur principal de l’étude. « Le phytoplancton joue un rôle clé dans ce transfert grâce à un processus appelé ‘pompe à carbone biologique’ qui capte et transporte le carbone vers les profondeurs par des plantes et des animaux océaniques qui précipitent ».

pompe à carbone
Déposition de carbone noir (a) et de poussières (c) dans le secteur pacifique de l’océan Austral entre septembre 2019 et septembre 2020. Les excédents par rapport à la climatologie apparaissent en rouge et les déficits, en bleu. Cumul des dépôts de carbone noir (b) et de poussières (d) sur la zone d’étude. Crédits : Jakob Weis & coll. 2022. 

En temps normal, l’océan Austral est déficitaire en nutriments et ne peut accueillir une importante quantité de phytoplanctons. La pompe à carbone biologique ne fonctionne donc pas à plein régime, voire ne fonctionne pas du tout. Toutefois, lorsque les fumées des incendies ont survolé les eaux situées au large de l’Australie, du fer s’est déposé et a fertilisé une surface plus grande que l’île-continent. Jusqu’à présent, les conséquences de cette stimulation brutale de la pompe biologique étaient incertaines.

« Nous avons utilisé les observations des satellites pour étudier ce phénomène et nous avons constaté que les cellules du phytoplancton devenaient plus riches en pigments et plus efficaces dans leur photosynthèse », détaille le chercheur. « Tout comme les plantes terrestres, le phytoplancton absorbe du CO2 et produit de l’oxygène et lorsque ce processus est plus efficace, la pompe à carbone biologique l’est aussi ».

Une persistance inattendue des efflorescences algales 

Le cas échéant, le surplus d’activité phytoplanctonique a persisté six à neuf mois après le dépôt des particules de fer, dépassant de loin ce qui avait pu être observé jusqu’à présent. Les efflorescences mesurées dans le cas d’une fertilisation artificielle ou à la suite d’éruptions volcaniques ne duraient que quelques semaines. Les chercheurs expliquent cette persistance par la quantité de fer déposée, suffisamment élevée pour permettre un recyclage efficace par les organismes, et sa forte biodisponibilité en raison des températures et de l’acidité rencontrées lors de son passage dans les panaches.

« Le fer qui alimente l’efflorescence provient d’un recyclage qui se produit lorsque le fer est libéré dans l’eau à la mort d’une cellule de phytoplancton, pour être réabsorbé par de nouvelles cellules », explique Zanna Chase, coauteure de l’étude. « La capacité de l’efflorescence à réutiliser son propre fer pendant si longtemps était probablement due à sa vaste taille, ce qui a ralenti la perte de fer recyclé aux bords de l’efflorescence ». Cette observation devrait provoquer un regain d’intérêt quant à la possibilité d’augmenter artificiellement le puits de carbone océanique pour lutter contre le réchauffement du climat.