Australie : ne les appelez plus « attaques de requins »

requin blanc
Crédits : Elias Levy/Flickr

Deux États australiens, le Queensland et la Nouvelle-Galles du Sud, ont adouci leur ton concernant le langage utilisé pour signaler les attaques de requins. Il s’agit d’une décision que les scientifiques jugent à la fois bienvenue et attendue depuis longtemps.

Les autorités du Queensland et de la Nouvelle-Galles du Sud ont récemment signalé un changement dans la description des rencontres entre les requins et les humains. À partir de maintenant, il ne sera donc plus question « d’attaques », comme on vient de le dire plus haut, mais de « rencontres » ou de « morsures », si tant est qu’il y ait blessure.

S’il peut paraître anodin, ce changement de vocabulaire pourrait bien rendre service aux requins qui pâtissent encore d’une mauvaise réputation bien malgré eux. « [Cela] aidera à dissiper les hypothèses selon lesquelles les requins sont des monstres mangeurs d’hommes voraces et stupides« , a récemment déclaré au Sydney Morning Herald Leonardo Guida, de l’Australian Marine Conservation Society.

Des rencontres rares

Ces « morsures », on le rappelle, sont assez rares, et les décès inhérents à ces rencontres encore plus. Les requins ont en effet tué dix personnes dans le monde en 2020. En comparaison, les moustiques sont responsables de 800 000 morts par an, les chiens de 25 000 morts, les crocodiles de 2 000 morts. Même les méduses font plus de morts : une cinquantaine chaque année.

Qu’on se le dise, les humains ne figurent pas au menu des requins, exception faite avec le cas du requin-tigre, surnommé « la poubelle des océans ». Affectionnant les eaux troubles, cette espèce n’est en effet pas très regardante sur ce qu’elle mange. Pour les autres, le plus souvent, la morsure est en réalité motivée par la curiosité ou fait suite à une erreur d’identification.

De 1990 à 2005, les rencontres enregistrées ont impliqué une dizaine d’espèces : le grand requin blanc (plus de 400), le requin-tigre (141), le requin-bouledogue (103), le requin-taureau (76), le requin dormeur (47), le requin mako (45), requin bordé (40), le requin bleu (36), le requin-citron (27) et le requin de récif (26).

Sur cet échantillon, trois espèces ont été impliquées dans des rencontres mortelles pour les humains : le grand blanc (63 décès), le requin-tigre (28 décès) et le requin-bouledogue (22 décès).

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Un requin-tigre aux Bahamas. Crédits : Albert Kok

Ne pas se tromper de prédateurs

Pour certains chercheurs, à l’instar de Christopher Pepin-Neff, maître de conférences à l’Université de Sydney, un tel langage peut créer une perception unidimensionnelle de ces événements et ainsi rendre plus difficile la protection des espèces menacées. « Après tout, pourquoi se soucier d’un animal qui veut nous manger ?« , écrivait-il dans un article de 2011.

La mauvaise réputation des requins peut en effet ralentir la prise de conscience du déclin alarmant de certaines espèces, notamment dans les eaux internationales. La principale cause de cet effondrement des populations reste la pratique de la pêche aux ailerons qui consiste à capturer des requins pour leur couper les ailerons et la nageoire caudale avant de les rejeter mutilés à la mer. Les éléments prélevés servent ensuite à la préparation d’une soupe traditionnelle chinoise. Si le manque de données concernant ce type de pratique se fait cruellement ressentir, on estime que plus de 70 millions de requins auraient ainsi été pêchés chaque année à cette fin.