Dans la nuit du 11 au 12 novembre, un spectacle rarissime a illuminé le ciel de la France et d’une partie de l’Europe. Des aurores boréales d’un rouge profond ont été observées bien plus au sud que d’ordinaire — jusque dans les Pyrénées ou en Provence. Si ces lueurs célestes ont fasciné les curieux, leur teinte inhabituelle et leur présence à nos latitudes s’expliquent par un événement d’origine solaire d’une ampleur exceptionnelle.
Une tempête solaire d’une intensité rare
Tout a commencé plusieurs jours avant, sur le Soleil. Une éjection de masse coronale (CME) — une gigantesque bulle de plasma projetée depuis la couronne solaire — a quitté la surface de notre étoile à une vitesse fulgurante, transportant avec elle des milliards de tonnes de particules chargées électriquement. Lorsque cette onde a atteint la Terre, elle a violemment interagi avec le champ magnétique terrestre, provoquant une tempête géomagnétique majeure.
Ces tempêtes ne sont pas inédites, mais leur intensité varie. Celle du 11 novembre faisait partie des plus puissantes de ces dernières années, selon la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). L’impact a temporairement comprimé la magnétosphère terrestre, permettant aux particules solaires de pénétrer beaucoup plus loin vers le sud que d’ordinaire — expliquant ainsi pourquoi des régions non polaires, comme la France, ont pu assister à une véritable symphonie céleste.
Ces particules, en heurtant les atomes et molécules de notre atmosphère, libèrent des photons : c’est cette émission lumineuse qui donne naissance aux aurores boréales. Habituellement confinées aux hautes latitudes, elles ont cette fois franchi leurs frontières habituelles, offrant un spectacle inoubliable à des millions d’observateurs.
Quand le vert cède la place au rouge
La plupart des aurores que nous voyons dans les médias sont teintées de vert émeraude. Cette couleur provient de l’oxygène atomique situé entre 100 et 200 kilomètres d’altitude, lorsqu’il est excité par les électrons venus du Soleil. Alors, pourquoi le ciel français s’est-il paré d’un rouge intense plutôt que du vert habituel ?
La réponse tient à l’altitude et à l’énergie des particules. Lors d’événements solaires extrêmes, les particules peuvent atteindre des couches beaucoup plus hautes de l’atmosphère — au-delà de 250 à 400 kilomètres d’altitude — où la pression est extrêmement faible. Dans ces zones raréfiées, les atomes d’oxygène émettent de la lumière rouge, à une longueur d’onde de 630 nanomètres.
Cette émission rouge est normalement très faible et difficile à percevoir, car nos yeux y sont peu sensibles dans l’obscurité. Mais lorsque l’activité solaire est intense, la quantité d’énergie libérée est telle que cette lueur devient dominante, au point d’effacer presque totalement le vert. C’est exactement ce qui s’est produit en novembre : les aurores observées étaient principalement composées de bandes rouges, parfois ponctuées de reflets pourpres ou rosés, un phénomène rarissime à nos latitudes.

Un phénomène visuel, mais aussi un message solaire
Au-delà de la beauté du spectacle, ces aurores rouges racontent une histoire physique et spatiale. Elles témoignent d’un cycle solaire en pleine montée d’activité, dont le pic est attendu en 2025. À chaque maximum solaire, le nombre de taches, d’éruptions et d’éjections de masse coronale augmente, rendant les tempêtes géomagnétiques plus probables.
Pour les scientifiques, ces épisodes sont précieux : ils permettent d’étudier l’interaction entre le vent solaire et la magnétosphère terrestre, mais aussi de mieux anticiper les impacts possibles sur les satellites, les réseaux électriques ou les communications. L’agence spatiale américaine NASA souligne d’ailleurs que les aurores visibles à des latitudes moyennes — comme la France — sont souvent le signe d’un événement solaire d’envergure mondiale.
Sur le plan visuel, elles nous rappellent surtout que notre planète vit au rythme du Soleil. Quand celui-ci tousse, notre ciel s’enflamme. Et parfois, il s’embrase de rouge.
Les aurores boréales de novembre resteront dans les mémoires comme l’un des spectacles célestes les plus impressionnants de ces dernières années. Si leur couleur rouge a surpris, elle n’était pas anodine : elle révélait la violence de la tempête solaire qui secouait alors notre magnétosphère.
Ce phénomène, à la croisée de la physique, de la météorologie spatiale et de l’émerveillement humain, nous rappelle combien la Terre et le Soleil sont intimement liés. À chaque aurore, rouge ou verte, c’est une page lumineuse de cette relation cosmique qui s’écrit au-dessus de nos têtes.
