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Crédit image : Mattthew Dempsey

« Aucun animal n’a jamais porté une telle armure » : ce dinosaure marocain révolutionne notre vision de l’évolution

Une découverte paléontologique majeure vient bouleverser notre compréhension de l’évolution des dinosaures cuirassés. Dans les montagnes du Maroc, des scientifiques ont mis au jour les restes fossilisés d’un ankylosaure si extraordinaire que sa première analyse a nécessité un scanner pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un faux. Cette créature préhistorique, baptisée Spicomellus afer, arbore l’une des armures les plus spectaculaires jamais documentées dans le règne animal, remettant en question nos théories sur l’origine de ces structures défensives.

Un géant cuirassé surgit du passé

L’histoire commence en 2021, lorsqu’un fragment de côte orné de pointes fusionnées émerge du sol marocain. Ce vestige si inhabituel pousse l’équipe de Susannah Maidment, paléontologue au Musée d’histoire naturelle de Londres, à retourner sur le terrain. Deux ans plus tard, dans le Moyen Atlas près de Boulemane, les chercheurs exhument un trésor paléontologique : les restes partiels d’un dinosaure vieux de 174 millions d’années.

Spicomellus afer mesure environ quatre mètres de long et présente la morphologie caractéristique des ankylosaures : un corps bas et trapu, semblable à celui d’une tortue géante. Mais c’est là que s’arrêtent les similitudes avec ses cousins plus récents. Cet animal du Jurassique moyen porte une parure osseuse d’une complexité inouïe, qui défie tout ce que nous connaissions de ces dinosaures blindés.

Une couronne d’épines défiant l’imagination

L’élément le plus saisissant de cette découverte réside dans l’extraordinaire collier cervical de l’animal. Contrairement aux ankylosaures classiques, dotés de simples plaques plates soudées autour du cou, Spicomellus afer exhibe un ensemble de dix pointes acérées, dont la plus imposante atteint 87 centimètres de longueur. Ces lames osseuses s’étendent de chaque côté du cou, formant une couronne menaçante qui encercle entièrement la tête de l’animal.

Cette armure ne se limite pas au cou. Des pointes additionnelles hérissent les flancs de la créature, intégrées directement dans son squelette. L’ensemble forme un dispositif défensif si élaboré qu’il évoque davantage les créatures fantastiques de nos légendes que les animaux réels ayant foulé notre planète.

Quand la beauté prime sur la protection

Paradoxalement, cette armure impressionnante n’aurait pas été conçue pour la guerre. Les scientifiques avancent une hypothèse révolutionnaire : ces ornementations spectaculaires résulteraient principalement de la sélection sexuelle, à l’image de la queue du paon mâle. Selon cette théorie, les pointes cervicales de Spicomellus afer constituaient un signal de qualité génétique destiné à séduire les partenaires potentiels.

« Lorsque nous observons chez des animaux des caractéristiques très développées qui semblent dépourvues de fonction pratique, et qui représentent même un handicap à porter, elles sont généralement liées à la reproduction« , explique Maidment. Cette hypothèse suggère que l’évolution a d’abord façonné ces structures pour la parade nuptiale, la fonction défensive n’intervenant qu’en second lieu.

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Ossements du spécimen partiellement préservé de S. afer découvert en 2023. Crédit image : Maidment et al., Nature (2025)

Une arme redoutable malgré tout

Si la séduction constituait probablement la fonction première de cette armure, Spicomellus afer n’était pas pour autant démuni face aux prédateurs. L’analyse des vertèbres caudales révèle la présence d’une queue-massue, ancêtre des redoutables appendices qui feront la réputation des ankylosaures du Crétacé. Une lame osseuse de 42 centimètres, découverte isolée, témoigne de l’efficacité potentielle de cet arsenal.

Les « vertèbres-poignées » identifiées chez ce spécimen – des os étroitement soudés sans cartilage intermédiaire – prouvent que les mécanismes de stabilisation de ces armes défensives étaient déjà opérationnels il y a 174 millions d’années.

Un chaînon manquant révélateur

Cette découverte, publiée dans la prestigieuse revue Nature, établit Spicomellus afer comme le plus ancien ankylosaure connu à ce jour. Elle suggère une évolution fascinante de ce groupe de dinosaures : les ankylosaures auraient d’abord développé des ornements spectaculaires pour la parade, avant de perfectionner leurs systèmes défensifs face à la diversification des prédateurs au Crétacé.

Le Maroc confirme ainsi son statut de terre promise pour la paléontologie, révélant une biodiversité préhistorique d’une richesse insoupçonnée qui continue de réécrire l’histoire de la vie sur Terre.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.