L’astuce de ces « grenouilles de verre » pour échapper aux prédateurs

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Plusieurs grenouilles de verre se camouflent sur une feuille. Crédit : Jesse Delia

Chez les animaux, la transparence est une forme complexe de camouflage impliquant des mécanismes qui réduisent la diffusion et l’absorption de la lumière dans tout l’organisme. Chez les vertébrés, atteindre cette approche reste néanmoins difficile, car leur système circulatoire est rempli de globules rouges qui atténuent fortement la lumière. D’après une étude publiée dans la revue Science, certaines grenouilles surmontent cependant ce défi en dissimulant ces cellules dans leur foie.

Tu me vois, tu ne me vois plus…

Sans faire attention, vous pourriez manquer la grenouille de verre de la forêt tropicale du Costa Rica. Comme son nom l’indique, hormis son dos vert qui se fond parfaitement avec son environnement, le corps de cet amphibien est quasi transparent, laissant seulement entrevoir quelques minuscules organes qui semblent flotter à l’intérieur.

Ce niveau de translucidité est assez commun en grandes profondeurs, mais il est très rare chez les animaux terrestres, leurs corps étant pleins de substances que la lumière ne peut pénétrer, dont beaucoup sont essentielles à la vie.

Pour se camoufler, les grenouilles de verre du nord (Hyalinobatrachium fleischmanni) ont développé une astuce qui permet de masquer les couleurs persistantes lorsqu’elles sont les plus vulnérables, notamment celle du sang. Tout comme nous, les grenouilles de verre dépendent de l’hémoglobine, une protéine colorée dans les globules rouges qui fournit de l’oxygène dans tout le corps. En les observant, des chercheurs de l’Université Duke, en Caroline du Nord, ont cependant remarqué que leur système circulatoire semblait disparaître au moment du coucher, les grenouilles devenant alors quasi invisibles.

Comment ces grenouilles procèdent-elles ?

Les chercheurs soupçonnaient que le sang se retirait dans divers organes. Pour le savoir, ils devaient trouver un moyen de regarder à l’intérieur de ces derniers. L’équipe a fini par s’appuyer non pas sur la lumière à proprement parler, mais sur la microscopie photoacoustique. La technique utilisée consistait à projeter une lumière vive sur le corps de ces grenouilles et capturer les ondes sonores produites chaque fois que la lumière frappait l’hémoglobine.

En comparant les images de grenouilles endormies et anesthésiées, les chercheurs ont souligné une nette différence de signal. Concrètement, près de 90% de toute l’hémoglobine des spécimens endormis provenaient du foie. Cela n’a pas surpris les auteurs de l’étude : le foie, qui filtre le sang, est en effet une destination logique pour les globules rouges.

Ce que les chercheurs ignorent cependant encore, c’est la manière dont ces grenouilles peuvent entasser autant de globules rouges dans un seul et même organe sans produire de caillots sanguins susceptibles de boucher leur système circulatoire. Or, comprendre ce processus pourrait un jour aider à prévenir les caillots sanguins mortels chez les humains.

Les résultats ont par ailleurs soulevé une autre question intrigante. Si près de 90% des cellules qui transportent l’oxygène sont enfermées dans le foie pendant que ces grenouilles endormies, comment respirent-elles ?