La plupart des exoplanètes découvertes par Kepler sont très anciennes, en orbite autour d’étoiles âgées de quelques milliards d’années comme notre soleil. Ces exoplanètes, aussi fascinantes soient-elles, sont en quelque sorte des « personnes âgées » de notre galaxie, mais nous ne savons pas comment elles sont nées. Pour trouver des réponses, les astronomes se tournent vers les lieux où se développent actuellement de nouvelles planètes : les disques protoplanétaires.
Ces disques se forment lorsqu’un vaste nuage de gaz et de poussières interstellaires se condense sous l’effet de la gravité avant de s’effondrer dans un disque tourbillonnant. Au centre du disque protoplanétaire se trouve une jeune étoile âgée que de quelques millions d’années. À mesure que le temps passe, les particules de poussière microscopiques se rassemblent pour former des grains de sable ; ces grains de sable se rassemblent ensuite pour former des cailloux. Ces cailloux s’empilent pour devenir des astéroïdes et vous obtenez finalement des planètes. Un système planétaire semblable à notre système solaire est né.
« Ces disques sont en revanche très courts », explique Ruobing Dong, de l’Université d’Arizona et principal auteur de cette nouvelle étude. « Au fil du temps, le matériel se dissipe, mais nous ne savons pas exactement comment cela se produit. Ce que nous savons, c’est que nous voyons des disques autour d’étoiles vieilles d’un million d’années, mais nous ne les voyons pas autour d’étoiles plus jeunes ». Dans le scénario le plus probable, une grande partie du matériel du disque est intégrée par l’étoile et le reste sert à former de nouvelles planètes. Mais bien que des disques protoplanétaires aient été observés à proximité de la Terre, il est encore extrêmement difficile de distinguer les planètes qui se forment.
Des images obtenues par le réseau de radiotélescopes ALMA, au Chili, en 2014 et 2016, ont néanmoins révélé quelques détails dans l’un de ces disques protoplanétaires dévoilant au passage certaines caractéristiques jusqu’alors jugées impossibles à expliquer avec les modèles actuels de formation planétaire. Lorsque vous avez un disque protoplanétaire entour une étoile, des anneaux se forment, alternant un disque de poussière et un anneau vide. C’est dans ces disques que sont censées se former les planètes. Les images d’ALMA ont néanmoins révélé des anneaux de formation très proches les unes des autres. Et dans la théorie conventionnelle, il est difficile, voire impossible, pour des raisons physiques, pour une planète de se former dans des anneaux aussi rapprochés.
Dans le cas des observations faites par ALMA, il faudrait en effet invoquer non pas une, mais deux planètes en formation serrée, un scénario qui ne serait pas stable au fil du temps et donc improbable. Pour tenter d’expliquer les observations faites par ALMA, les chercheurs ont mis au point un modèle de formation planétaire, une sorte de simulation, en ajustant les paramètres du disque planétaire évoluant. Ils ont par exemple supposé une faible viscosité et ajouté un peu de poussière au mélange. La plupart des simulations précédentes étaient en effet basées sur une plus grande viscosité du disque et ne comptabilisaient que le composant gazeux du disque.
Les chercheurs ont alors obtenu un modèle de formation identique à celui observé par ALMA. Selon les chercheurs, une Super-Terre pourrait effectivement produire de multiples anneaux avec des écarts aussi étroits. Plus nous en saurons sur le fonctionnement interne des disques protoplanétaires et plus les chercheurs pourront affiner leurs simulations avec de nouvelles données. Pour l’instant, leurs observations synthétiques offrent un scénario intrigant qui fournit un chaînon manquant entre les caractéristiques observées chez de nombreux nourrissons planétaires et leurs homologues adultes.
Cette étude résout au passage un casse-tête qui intriguait les astronomes depuis des années. Alors que la plupart des exoplanètes découvertes tombent dans la catégorie des super-terres, avec une masse estimée entre la Terre et Neptune, la plupart des caractéristiques observées dans les systèmes planétaires naissants nécessitaient la présence de planètes beaucoup plus massives rivalisant avec Jupiter, le géant du gaz dans notre système solaire. Ce n’est désormais plus le cas.
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