À partir d’observations récentes, des astronomes ont déterminé que les structures de la matière noire se présentent sous forme de longs brins minces. Grâce au télescope Subaru, une équipe vient en effet de réaliser la première détection directe de ces filaments au sein d’un vaste amas de galaxies. Cette découverte offre ainsi de nouvelles données probantes pour évaluer les théories sur l’évolution de l’Univers.
L’invisible Architecte de l’Univers
Au cœur du cosmos, une mystérieuse danse cosmique est orchestrée par un acteur invisible : la matière noire. Bien que cette substance énigmatique représente environ 85% de la masse totale de l’Univers, elle demeure insaisissable, se dérobant à notre vision et à notre compréhension directe. Cependant, son influence est indéniable puisqu’elle sculpte les structures célestes à une échelle cosmique.
Imaginez maintenant une toile d’araignée cosmique qui s’étend à travers l’Univers, et lie les galaxies et amas dans un ballet gravitationnel. Cette structure, connue sous le nom de toile cosmique, est formée de filaments massifs constitués de matière. Ces filaments, qui alimentent les galaxies en gaz et guident leur regroupement, jouent un rôle clé dans l’évolution cosmique.
Or, des astronomes de l’Université Yonsei de Séoul ont pour la première fois réussi à détecter de la matière noire sur ces filaments de matière. Cette observation révolutionnaire a été rendue possible grâce à l’utilisation du télescope Subaru, situé à Hawaï, et à l’effet de la gravité sur la lumière, appelé lentille gravitationnelle. Albert Einstein avait prédit en 1915 que la masse courbe l’espace-temps, ce qui influence le passage de la lumière. Concrètement, lorsqu’une source lumineuse se retrouve sur la trajectoire d’une masse, cette lumière se retrouve déviée, ce qui crée un effet de lentille gravitationnelle. Bien que la matière noire elle-même ne soit pas directement observable, son influence gravitationnelle peut ainsi être détectée à travers cet effet.
Une fenêtre sur l’invisible
L’observation a été réalisée sur l’amas du Coma (Abell 1656), composé de plus d’un millier de galaxies, situé à 321 millions d’années-lumière de la Terre. Cet amas fait partie intégrante de la Grande Muraille, considérée comme l’une des premières grandes structures cosmiques identifiées.
Grâce à la sensibilité et à la résolution élevées de l’Hyper Suprime-Cam (HSC) du télescope Subaru, l’équipe a donc réussi à percevoir les effets de lentille gravitationnelle causés par la matière noire sur les filaments intra-amas, une partie moins étudiée de la toile cosmique.
Cette observation inédite offre ainsi une confirmation cruciale de l’existence de la toile cosmique à grande échelle, une structure essentielle dans la compréhension de la formation et de l’évolution des galaxies. Alors que la matière noire demeure insaisissable directement, son rôle en tant qu’échafaudage cosmique invisible se révèle une fois de plus à travers les subtilités de la gravité et de la lentille gravitationnelle.
En dévoilant les filaments de matière noire au cœur de la toile cosmique, les astronomes repoussent encore une fois les limites de notre compréhension du cosmos. Cette découverte non seulement renforce les théories actuelles sur l’évolution des galaxies, mais elle ouvre également la voie à de nouvelles perspectives pour explorer la nature de cette mystérieuse matière qui façonne l’Univers tout entier.
Une étape décisive pour la cosmologie moderne
Cette découverte constitue une avancée majeure pour la cosmologie, car elle permet de confronter les modèles théoriques de formation des structures de l’Univers à des données d’observation concrètes. Les filaments de matière noire identifiés confirment non seulement la précision des simulations cosmologiques actuelles, mais offrent également un cadre pour explorer les interactions complexes entre la matière visible et invisible. En effet, la matière noire, en guidant la croissance des galaxies et en influençant la distribution du gaz intergalactique, agit comme un « échafaudage gravitationnel » qui soutient l’ensemble des structures cosmiques. Ces résultats ouvrent ainsi la voie à de futures recherches, notamment sur la nature des particules de matière noire, dont l’identification pourrait résoudre l’une des énigmes les plus profondes de la physique contemporaine.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature Astronomy.