Entre les mois d’avril et d’octobre, les hautes latitudes boréales connaissent leur saison des feux de forêts. Or, si les images d’une végétation prise par les flammes font facilement parler d’elles sur les réseaux sociaux et dans les médias, certains brasiers évoluent bien plus discrètement, loin des regards, mais de façon tout aussi pernicieuse…
Résidus d’anciens foyers, ils couvent sous la neige et le froid qui accompagnent la nuit polaire et tendent à repartir en surface la saison suivante. C’est ce que l’on a appelé les feux zombies, en référence au fait qu’ils semblent renaître d’entre les morts. Outre leur capacité à rallumer des brasiers en apparence dissipés, ils sont difficiles à localiser et encore plus à éteindre.
Une des premières études axée sur les feux zombies
Même si le phénomène a attisé un intérêt croissant, le signalement des incendies zombies reste encore très parcellaire, limitant de fait notre habilité à évaluer leur fréquence, leur localisation ou encore leur évolution dans le temps. Dans un papier novateur paru dans la revue Nature, un groupe de chercheurs s’est attelé à la tâche. Il s’agit de l’une des premières études publiée dans une revue à comité de lecture et traitant du phénomène.
En analysant 17 ans d’images satellitaires à haute résolution, les scientifiques ont recensé chaque feu zombie dans un domaine nord-américain englobant l’Alaska et les Territoires du Nord-Ouest. Comment ? Grâce à un algorithme capable de repérer leur signature spatio-temporelle caractéristique lorsqu’ils réapparaissent en surface. Par exemple, à l’intérieur ou à proximité d’anciennes zones incendiées et à une période qui ne coïncide pas avec la saison des orages.
Ils ont constaté qu’une saison chaude marquée par des températures particulièrement élevées et des incendies de grande ampleur était nécessaire pour nettement propager les brasiers sous la surface. Profond et extrêmement riche en carbone, le sol tourbeux des régions boréales alimente alors les parties souterraines pendant les mois d’hiver. Certains incendies zombies pouvant même couver durant plusieurs années, permettant à un même foyer de ré-émerger à de multiples reprises.
L’importance du manteau neigeux hivernal
En plus de la constitution particulière d’un sol organique, l’apparition systématique d’un manteau neigeux en saison froide joue également un rôle majeur. « Sans neige, le même type de feu, par exemple dans une tourbière tempérée, s’éteindra probablement parce qu’il y aura beaucoup de pluie. Mais là, une fois qu’il y a une couche de neige sur le dessus, il est bien préservé » détaille Sander Veraverbeke, auteur principal du papier.
Enfin, les chercheurs ont trouvé que ce type d’incendie reste encore assez rare. En effet, s’ils peuvent représenter jusqu’à 40 % de la surface brulée sur une année, la moyenne 2002-2018 approche à peine 1 %. Cependant, avec le réchauffement continu des régions boréales, les incendies zombies devraient devenir un phénomène toujours plus présent. Et ce, aussi bien en nombre qu’en ampleur. Une mauvaise nouvelle pour l’environnement régional, mais également pour le climat global compte tenu des importantes émissions de dioxyde de carbone (CO2) qui les accompagnent.