Nous nous sommes reproduits de la même manière depuis le début : en ayant recours aux relations sexuelles. Parce que c’est ainsi que la nature fonctionne. Mais à mesure que le temps passe, la méthode pourrait évoluer, au point que nous n’aurions plus besoin de relations sexuelles pour concevoir des enfants.
C’est du moins ce que pense Joyce Harper, professeure britannique à l’University College of London. Près de 40 ans après la naissance du premier bébé éprouvette, et grâce aux progrès de la FIV actuellement en cours, cette méthode pourrait bientôt devenir le principal moyen d’avoir des enfants. La chercheuse prend ici en compte le fait que les problèmes d’infertilité – de plus en plus importants – ce cesseront d’augmenter. Elle rappelle également que les femmes, plus carriéristes, ont des enfants plus tard dans leur vie, ce qui altère la qualité des ovules. Elle soutient également l’idée qu’à l’avenir, tous les couples de même sexes pourront facilement avoir accès à une progéniture.
« Dans le futur les femmes ne portent même plus d’enfants »
« Il viendra un temps où la majorité des gens n’auront pas de relations sexuelles pour se reproduire », dit-elle, interrogée par Newsweek. « Il se peut que dans le futur, les femmes ne portent même plus d’enfants et que le sexe ne soit entrepris que pour s’amuser », poursuit-elle, notant qu’à la fin du siècle, plus de 150 millions de personnes devront leur vie à des techniques de procréation assistée telles que la FIV, les ovules et gamètes issus de dons et la maternité de substitution.
Limiter les risques de maladie
Joyce Harper va même plus loin, expliquant que non seulement la FIV (fécondation in vitro) pourrait être la norme d’ici quelques années, mais que nous serons également en mesure d’évaluer les embryons à risques grâce à la génétique.
« Il est maintenant possible de séquencer le génome de quelqu’un pour environ 1 000 dollars, et la technologie est en fait assez rapide, dit-elle. Cela peut être fait en environ 24 heures et je pense que cela deviendra encore moins cher dans un avenir proche. […] Nous pourrions vérifier [s’il y a] un cancer, une prédisposition aux maladies cardiaques, le diabète et même des allergies. Nous pourrions faire tous ces tests avant même de remettre l’embryon chez la femme. Pourquoi voudriez-vous transférer à une femme un embryon qui va avoir une maladie ? », questionne la chercheuse.
Une pente savonneuse
Des questions éthiques et sanitaires devront alors évidemment se poser. Rappelons qu’il y a quelques jours, une équipe de chercheurs chinois annonçait avoir modifié l’ADN de deux jumelles nouveau-nées pour les rendre résistantes au virus du SIDA. La communauté scientifique a répondu avec indignation et inquiétude. Car si l’on met de côté les préoccupations éthiques irrémédiablement posées lorsqu’il s’agit de manipuler « la vie », d’autres problèmes se posent.
Dans ce cas précis, il est vrai que la manipulation génétique permettra à ces jumelles d’éviter l’infection par le VIH. Le problème cependant, est que « le gène supprimé, appelé CCR5, a beaucoup plus de fonctions que simplement aider à limiter l’infection par le VIH », explique à Livescience Mazhar Adli, généticien à la faculté de médecine de l’Université de Virginie (États-Unis), notant leur impact sur le bon fonctionnement des globules blancs, par exemple.
Par ailleurs, les gènes interagissent constamment avec d’autres gènes. « La suppression d’un seul gène pourrait non seulement modifier le fonctionnement d’autres gènes, mais également le comportement général de la cellule et le phénotype de l’organisme », poursuit en effet le chercheur.
Il ne fait donc aucun doute que l’ensemble de ces nouvelles techniques devront à l’avenir être judicieusement encadrées sur le plan sanitaire et légal. Mais qu’il s’agisse de la FIV ou de l’édition de gènes, il apparaît néanmoins que ces méthodes artificielles seront de plus en plus utilisées pour avoir des enfants. Dans 30, 40 ou 50 ans, concevoir des enfants naturellement pourrait alors devenir une chose du passé.
Dans ce futur où la technologie pourrait prendre une place prépondérante dans la procréation, la définition même de la famille pourrait également être redéfinie. Les innovations en matière de reproduction assistée pourraient ouvrir la voie à des configurations familiales plus variées, où le modèle traditionnel pourrait coexister avec de nouvelles formes de parentalité. Cela soulève aussi des questions sur l’identité génétique et les liens biologiques, qui pourraient évoluer pour laisser place à une notion plus large et inclusive de la filiation. Ainsi, au-delà des avancées scientifiques, la société devra aussi adapter ses structures sociales et juridiques à ces nouvelles réalités.
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