Une évaluation de l’épaisseur des glaces de mer arctiques par altimétrie satellitaire confirme le déclin rapide du volume de banquise boréale. Elle révèle entre autres que les estimations précédentes avaient tendance à surestimer l’épaisseur réelle de la couverture de glace. Les travaux ont été publiés dans la revue Geophysical Research Letters ce 10 mars.
L’épaisseur de la glace de mer arctique et son évolution sont en grande partie retranscrites par les observations satellitaires. Toutefois, ces estimations sont compliquées par le fait qu’une couche de neige est habituellement présente sur la banquise. Ainsi, outre la nécessité de différencier avec soin la glace de la neige, cette dernière alourdit la banquise et diminue ainsi sa partie émergée.
Confirmation d’un amincissement rapide de la banquise arctique…
De nouvelles estimations satellitaires de l’épaisseur de neige combinant mesures radar (ICESat-2) et lidar (CryoSat-2) ont conduit une équipe de chercheurs à conclure que l’épaisseur moyenne de la banquise arctique avait été surestimée. Ce biais va parfois jusqu’à 20 % en présence d’une neige épaisse, ce qui équivaut à une vingtaine de centimètres environ. Les données montrent également que l’Arctique a perdu un tiers de son volume de glaces hivernales au cours des vingt dernières années.
« La profondeur de la neige tout comme l’épaisseur et le volume de la glace de mer en Arctique sont trois mesures très difficiles à obtenir », rapporte Ron Kwok, coauteur de l’étude. « Ce que je retiens surtout, c’est la perte remarquable du volume des glaces de mer hivernales qui s’est accompagnée d’une perte largement rapportée de la glace de mer pluriannuelle et d’un déclin de l’étendue de banquise en fin d’été ».
Entre 2003 et 2021, le bassin arctique a ainsi perdu six mille kilomètres cubes de glace en moyenne sur la saison hivernale. Comme cette tendance reflète surtout la disparition des glaces pluriannuelles, celles qui ont survécu à plusieurs étés, et leur remplacement par une glace saisonnière beaucoup plus mince, l’extension de banquise hivernale n’a pas fortement évolué. Ce seul paramètre masque ainsi une importante partie du problème.
… avec des implications fortes pour la fonte estivale
En présence d’une glace plus mince et par conséquent plus fragile au moment de la saison de fonte, la perte estivale s’est très nettement accélérée depuis le début des années 2000 avec cette fois une empreinte forte sur l’extension globale de la banquise. Aussi, il n’est pas surprenant de constater que le déclin du volume atteint son amplitude maximale en automne (une division par deux depuis 2003, voir la courbe bleue ci-dessus).
« Les modèles actuels prévoient que d’ici le milieu du siècle, nous pouvons nous attendre à des étés sans glace, lorsque celle suffisamment épaisse pour survivre à la saison de fonte aura disparu », rapporte Sahra Kacimi, auteure principale de l’étude. « C’est de la glace vraiment ancienne que nous perdons à un rythme effrayant ».