Pour produire de la photosynthèse, les algues comme les plantes ont besoin d’eau, de dioxyde de carbone et de chlorophylle pour convertir l’énergie lumineuse en glucose et en oxygène. La lumière est elle aussi essentielle pour que ce processus réussisse… du moins, c’est ce que l’on pensait jusqu’à aujourd’hui. En effet, des algues minuscules dans l’Arctique défient toutes les lois de la nature en réussissant leur photosynthèse dans ces conditions de quasi-pénombre (seulement 0.001 % de rayonnement solaire normal). Et non contente d’être particulièrement étonnante et passionnante, cette découverte est aussi pleine de promesses.
Les conditions de luminosité typiques à l’extérieur par une journée claire en Europe sont plus de 37 000 à 50 000 fois supérieures à la quantité de lumière requise par ces microalgues arctiques. Et apparemment, cela ne semble pas effrayer la nature qui s’épanouit dans ces conditions glaciales et hostiles envers et contre tous.
La photosynthèse des algues arctiques face aux faibles niveaux de lumière locaux
Cette découverte révolutionnaire et cette recherche sont le produit de l’expédition MOSAiC qui s’est déroulée à 88° de latitude nord. La photosynthèse est le processus par lequel la lumière du Soleil se retrouve convertie en énergie qui soutient la vie sur Terre. Traditionnellement, on croyait que la photosynthèse nécessitait beaucoup plus de luminosité que celle disponible dans l’Arctique. Cependant, les résultats montrent que la photosynthèse peut se produire beaucoup plus en profondeur et dans des conditions plus sombres qu’on ne le pensait auparavant.
En effet, une équipe de recherche internationale a utilisé des capteurs de luminosité extrêmement sensibles dans la glace et l’eau pour mesurer la quantité de lumière disponible, puis a étudié des sur le phytoplancton et les microalgues de glace sous la neige et la glace de l’océan Arctique où le rayonnement du Soleil est minimal.
Des algues capables de prospérer sans rayonnement solaire
Malgré la couverture de neige qui bloquait la majeure partie de la luminosité, les microalgues réussissaient à utiliser le très faible rayonnement disponible, environ un cent millième (0,001 %) de celui disponible lors d’une journée ensoleillée, pour croître.
L’étude révèle en effet que ces microalgues pouvaient accumuler de la biomasse dès la fin du mois de mars, alors que le Soleil était à peine visible au-dessus de l’horizon avec une augmentation décrite dans l’étude comme « exponentielle » jusqu’à la fin avril. Ce résultat surprenant démontre la capacité des algues à effectuer la photosynthèse dès la fin de la nuit polaire dans des conditions considérées auparavant comme trop sombres pour de tels processus.
« C’est très impressionnant de voir à quel point les algues peuvent utiliser efficacement de si faibles quantités de lumière. Cela montre une fois de plus à quel point les organismes sont bien adaptés à leur environnement », s’étonne la Dre Clara Hoppe, de l’Institut Alfred Wegener et du Centre Helmholtz pour la recherche polaire et marine (AWI), qui a dirigé l’équipe de recherche.
Bien plus qu’une découverte fascinante
La découverte fascinante que la photosynthèse dans l’océan Arctique peut encore avoir lieu sous la glace de mer recouverte de neige qui ne laisse passer que quelques maigres photons lumineux est bien plus qu’une simple curiosité de la nature.
En effet, ces relevés, publiés dans la revue Nature Communications, ont des implications mondiales. « Même si nos résultats sont spécifiques à l’océan Arctique, ils montrent ce dont la photosynthèse est capable. Si elle est si efficace dans les conditions difficiles de l’Arctique, nous pouvons supposer que les organismes d’autres régions des océans se sont également tout aussi bien adaptés », affirme la Dre Hoppe.
Cela signifie qu’il pourrait également y avoir suffisamment de lumière pour produire de l’énergie utilisable et de l’oxygène par photosynthèse dans des zones plus profondes des océans, disponible alors par exemple pour les poissons. Ainsi, l’habitat photosynthétique dans l’océan mondial pourrait être significativement plus vaste qu’on ne le supposait auparavant.
Percer les secrets de la survie des algues dans une obscurité quasi totale pourrait également renforcer la photosynthèse chez les plantes cultivées et prolonger leurs saisons de croissance à des latitudes élevées dans le monde entier, y compris en France. Un autre avantage pourrait être l’amélioration de la croissance des plantes en intérieur en utilisant moins de lumière artificielle. Des cultures sous une luminosité limitée à bord de vaisseaux spatiaux lors de missions de longue durée ou dans des colonies spatiales sur d’autres mondes pourraient même être envisageables.