Des chercheurs pensent qu’un soudain apport en nutriments, suite à la décomposition d’un cadavre humain enterré, pourrait changer l’apparence des arbres.
Depuis quarante ans le Centre d’anthropologie médico-légal de l’Université du Tennessee étudie la décomposition des corps humains. Les chercheurs se concentrent notamment sur la putréfaction des cadavres par des micro-organismes endogènes anaérobies. Cette activité microbienne conduit à la production de gaz et la liquéfaction des tissus mous qui, ensuite, sont libérés par les orifices naturels.
Ceci étant dit, au cours de ce processus macabre, des nutriments, et en particulier de l’azote, peuvent alors se retrouver dans les sols. Naturellement, les chercheurs de l’Université du Tennessee se sont donc posés la question suivante : et si cette explosion de nutriments pouvait modifier le phénotype des plantes (ses caractéristiques physiques) ? Et, si oui, pourrait-on les détecter pour faciliter les recherches de personnes disparues décédées ?
Cette idée, qui n’est encore que théorique, vient de faire l’objet d’une étude publiée dans la revue Trends in Plant Science.
Étudier la réponse des feuilles
Depuis le mois de juin, les chercheurs du Centre d’anthropologie médico-légal placent ainsi des « donneurs » (le nom qu’ils donnent aux cadavres) à proximité d’arbres et arbustes qui poussent naturellement sur les parcelles du site. « Nous examinons ensuite les réponses des végétaux à différentes distances« , explique Neal Stewart, principal auteur de l’étude. L’année prochaine, ils prévoient également de recueillir une peu de terre exposée à ces corps humains en décomposition pour ensuite rempoter des plantes à l’intérieur dans une serre.
Ces travaux n’ayant débuté que depuis quelques mois, les chercheurs n’ont encore partagé aucun résultat. Néanmoins, ils estiment que le feuillage des arbres pourrait répondre de plusieurs manières.
Ces feuilles pourraient, d’une part, refléter plus ou moins de lumière ou changer de couleur. Nous savons également que la chlorophylle émet une signature fluorescente. Celle-ci, invisible à l’oeil humain, peut en revanche être détectée avec les bons instruments (détection hyperspectrale). Embarquées sur des avions, ces technologies pourraient alors grandement faciliter les recherches dans les milieux les plus boisés.

Il sera également nécessaire, à terme, de pouvoir différencier les effets de la décomposition humaine de ceux de la décomposition d’autres animaux. En effet, d’autres grands mammifères, tels que des sangliers, des cerfs, ou encore des ours se désintègrent également dans la nature, inondant le sol des mêmes nutriments qu’un cadavre humain.
Cependant, il pourrait y avoir des différences subtiles dans la façon dont les plantes réagissent à la décomposition de différents mammifères. Nous, humains, avons des microbiomes distincts et une teneur en graisse différente de celle d’un ours, par exemple. « Je pense qu’une fois que nous aurons trouvé nos signatures spectrales clés, nous pourrons alors envisager de faire une étude comparative avec d’autres grands mammifères« , conclut le chercheur.