Après la SPA, voici maintenant la ligue de protection des lombrics

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Si les dangers liés aux pratiques agricoles actuelles, et notamment de l’utilisation de produits phytosanitaires (pesticides, fongicides, etc.), font grand bruit chez les défenseurs de la planète conscients de l’importance des insectes pollinisateurs qui en sont des cibles directes, ils font également des victimes collatérales qui disparaissent quant à elles en silence. Les vers de terre, pourtant essentiels pour la santé des terres agricoles, s’éteignent en effet à petit feu dans l’indifférence générale. Pour contrer cela, un agronome a décidé de lancer la Ligue de protection des lombrics et d’interpeller les pouvoirs publics afin de permettre leur survie et d’œuvrer pour des pratiques plus vertueuses dans l’agriculture. 

Les vers de terre : méprisés, mais tellement importants

Souvent oubliés, méconnus et peu considérés, les vers de terre jouent pourtant un rôle essentiel dans l’équilibre écologique; la santé comme la fertilité des sols et le fonctionnement des écosystèmes. Tout d’abord, ils améliorent la structure du sol en créant des galeries verticales et en le rendant plus perméable à l’eau d’arrosage ou l’eau de pluie, à l’air et aux racines des plantes. Cela favorise la circulation des nutriments et permet un meilleur enracinement des végétaux, augmentant ainsi la productivité des cultures. Ce faisant, ils favorisent aussi la biodiversité du sol en créant des microhabitats propices à la vie d’autres organismes tels que les bactéries, les champignons et les micro-organismes bénéfiques. Cela contribue à maintenir l’équilibre biologique du sol et à prévenir les maladies des plantes.

En outre, les lombrics jouent un rôle crucial dans le recyclage des déchets organiques. En se nourrissant de matière organique en décomposition, ils contribuent à la décomposition des débris végétaux et des résidus animaux, contribuant ainsi à la formation d’humus, une substance riche en éléments nutritifs essentiels pour les plantes. Enfin, leurs excréments sont riches en nutriments comme l’azote, le phosphore et le potassium, ce qui en fait un engrais naturel précieux pour les plantes. Pour toutes ces raisons, une étude de 2020 de l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique) estimait ainsi que « par la fonction qu’ils assurent, les vers de terre sont un élément essentiel des écosystèmes terrestres ».

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Crédits : Onuchcha/iStock

Sauver les vers de terre : une nécessité

Essentiel à la préservation des terres, et notamment des terres agricoles, le ver de terre fait aujourd’hui face à différents dangers liés à l’agriculture intensive et l’artificialisation des sols. En effet, le recours à des engrais, des pesticides, des fongicides ou des herbicides chimiques en parallèle de pratiques agricoles néfastes (par exemple le travail intensif des terres avec labour profond, le tout sans rotation des cultures) rend le sol plus pauvre.

Le manque de nourriture est ainsi la première cause de mortalité chez le lombric, bien devant les produits chimiques. Et si ces animaux peuvent prospérer dans les prairies naturelles, leur présence en sol cultivé se fait plus rare, ce qui peut avoir des conséquences directes sur le rendement agricole en plus de provoquer l’érosion du sol.

Un rôle alimentaire à ne pas négliger

Sans ces animaux, l’équilibre des terres agricoles pourrait être fortement perturbé. En 2023, une étude publiée dans Nature Communications affirmait en effet qu’ils contribuent à plus de 6 % du rendement céréalier mondial et 2 % en ce qui concerne les légumineuses produites. S’il s’agissait d’un pays à part entière, les lombrics seraient ainsi à la quatrième place mondiale des producteurs, égalant ainsi la Russie.

Comme l’affirme Christophe Gatineau, auteur du livre L’Éloge du ver de terre : « Aujourd’hui, tout le monde tire la sonnette d’alarme alors que nous, agronomes, on la tire depuis vingt, trente, quarante ans. Le sol est une ressource rare sur la planète, épuisable et moins de 6 % des sols peuvent nourrir. Sur ces 6 %, vous en avez plus de la moitié qui sont dégradés à des niveaux divers ». Préserver notre souveraineté alimentaire est donc une des raisons pour lesquelles il y a urgence à œuvrer pour préserver les lombrics qui représentent en outre la première biomasse animale au sein des sols (environ 5000 espèces répertoriées à travers le monde, dont pas moins de 140 en France seulement).

Dans cette optique, cet agronome a décidé de lancer la Ligue de protection des vers de terre avec pour objectif de « poser les mots » et « préserver les vers de terre […] tout simplement parce que notre alimentation, nos habits, nos carburants, notre électricité viennent des sols. Et que les sols, c’est l’habitat du ver de terre ». Il ajoute en outre qu’avec « les produits chimiques, les rendements ont explosé, mais ils stagnent, voire baissent depuis 1998. On arrive au bout de la technologie et il faut repasser par des auxiliaires comme le ver de terre si l’on ne veut pas voir les rendements continuer de chuter. »

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Une Ligue de protection des lombrics pour agir et faire réagir

D’après Christophe Gatineau : « Tant que cet animal n’existe pas dans la loi, il n’existe pas tout court, et on ne peut pas défendre un animal qui n’existe pas », d’où l’idée de créer une Ligue de protection des vers de terre. « Il y a des associations de défense du loup, de l’ours, du hérisson, des oiseaux… Et elles peuvent agir. Justement parce que ces animaux ont un statut juridique. Donc, on veut pouvoir s’appuyer sur quelque chose de concret pour se battre, et faire reconnaître le ver de terre comme un auxiliaire pour l’agriculture […]. On demande une reconnaissance juridique des vers de terre. L’idée n’est pas de le protéger comme on protège le loup en France, mais de lui donner une existence juridique ».

Pour expliquer l’importance d’un statut juridique, l’agronome va plus loin en prenant l’exemple des abeilles mellifères : « Si vous prenez l’abeille, elle a quelques droits. Pas beaucoup, mais on lui reconnaît le droit de polliniser. Ce n’est pas le cas du ver de terre. » Grâce à cette Ligue lancée le 22 avril, le Jour de la Terre, et accompagnée d’une lettre adressée à Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, l’homme entend donc bien contribuer à leur protection juridique avec à plus long terme l’espoir d’aider à réhabiliter l’habitat de cette créature qui n’a selon lui rien d’un « sous-animal ».

Un plus aussi pour les agriculteurs

D’après ce Haut-Viennois, cette ligue protectrice permettra aussi de « mettre à la disposition de l’agriculteur des informations afin qu’il puisse toujours choisir le produit, l’outil ou la technique la moins délétère pour ces animaux. » En effet, « la toxicité des pesticides n’est pas évaluée sur les vers de terre qui vivent dans les sols cultivés. […] Comme les vers de terre n’ont pas de statut, il n’y a jamais eu d’étude ou d’évaluation de toxicité à leur encontre. […] Or, entre un produit toxique pour la vie du sol et un non toxique, l’agriculteur choisira évidemment le second. Donc, on a besoin que les fabricants étudient et évaluent l’impact de leur produit sur la vie du sol. »