Lucy
Crédits : Brigid Slinger

Un aperçu de ce que mangeaient les australopithèques il y a 3 millions d’années

Comprendre ce que mangeaient nos ancêtres il y a des millions d’années, c’est plonger au cœur de l’évolution humaine. Le régime alimentaire des premiers hominidés a en effet joué un rôle clé dans le développement du cerveau, l’acquisition de la bipédie et nos adaptations biologiques modernes. Une récente étude menée par une équipe de chercheurs de l’Institut Max Planck nous offre ainsi un aperçu fascinant du régime alimentaire des australopithèques, un groupe d’hominidés qui pourrait être à l’origine de notre propre genre, Homo

Qui étaient les australopithèques ?

Les australopithèques, qui ont vécu en Afrique il y a environ 2 à 4 millions d’années, occupent une place essentielle dans notre histoire évolutive. Ces hominidés se distinguaient par une combinaison fascinante de traits à la fois humains et simiesques. Leur posture partiellement bipède leur permettait de marcher debout sur de courtes distances, mais ils conservaient également des adaptations à la vie arboricole, comme des bras longs et des mains robustes pour grimper aux arbres. Leur cerveau, bien que plus petit que celui des humains modernes (environ 400 à 500 cm³), montrait aussi déjà des signes d’évolution vers des capacités cognitives accrues.

Les australopithèques vivaient dans des environnements variés, allant des forêts denses aux savanes ouvertes, et ils ont probablement développé une grande adaptabilité pour exploiter des ressources alimentaires diversifiées. Ces traits combinés font d’eux une étape clé dans la transition vers le genre Homo, qui donnera naissance à notre propre espèce.

Les fossiles étudiés dans le cadre de cette recherche proviennent de la grotte de Sterkfontein, en Afrique du Sud, un site riche en découvertes paléontologiques. Les dents analysées datent de 3,3 millions d’années, à une période où les australopithèques cohabitaient avec d’autres mammifères dans un environnement de savane boisée. Leur régime alimentaire est resté longtemps sujet à débat, faute de preuves directes. Cependant, cette nouvelle étude apporte des réponses précises sur leurs habitudes alimentaires.

Lucy australopithèques
Une représentation de Lucy dans son environnement. Crédits : généré par Grok

Analyser les isotopes des dents

Pour reconstituer le régime alimentaire des australopithèques, les chercheurs se sont appuyés sur une méthode d’analyse isotopique innovante. Cette technique permet d’étudier les proportions des isotopes d’azote et de carbone présents dans l’émail dentaire fossile.

Les isotopes d’azote, notamment l’azote 15, jouent un rôle crucial dans cette démarche. En effet, les herbivores stockent davantage d’azote 15 dans leur corps que les plantes qu’ils consomment, tandis que les carnivores, en consommant des herbivores, accumulent encore plus d’azote 15. Ainsi, les proportions de cet isotope permettent de déterminer si un animal était herbivore, carnivore ou omnivore.

Les résultats de l’étude dressent le portrait d’un régime alimentaire complexe et varié. Contrairement à certaines idées reçues, les australopithèques ne consommaient que peu, voire pas de viande. Leur alimentation était dominée par des plantes C3, telles que des fruits, des feuilles et des graines issues de zones boisées. Les chercheurs ont également identifié la présence occasionnelle de plantes C4, adaptées aux climats plus chauds et secs, comme certaines graminées.

Un autre aspect intrigant de cette étude est la variabilité du régime alimentaire des australopithèques. Les isotopes d’azote montrent une grande diversité entre les individus, ce qui pourrait refléter des variations saisonnières ou des différences géographiques. Par exemple, certains australopithèques semblent avoir consommé des légumineuses, qui ont des niveaux d’azote 15 particulièrement faibles. D’autres pourraient avoir intégré des invertébrés, comme les termites, une source de protéines accessible dans la savane.

Ces résultats montrent que, bien qu’ils soient essentiellement végétariens, les australopithèques étaient opportunistes et adaptaient leur régime aux ressources disponibles. Cette flexibilité alimentaire pourrait avoir été un atout évolutif majeur qui leur a permis de survivre dans des environnements changeants.

Les implications pour l’évolution humaine

Le régime alimentaire de nos ancêtres est un sujet central pour comprendre l’évolution humaine. Pendant longtemps, on a cru que l’introduction de la viande dans l’alimentation avait été le moteur principal du développement du cerveau et de la bipédie. Cependant, cette étude nuance cette idée. Les australopithèques, malgré leur régime végétarien, ont survécu et prospéré pendant des millions d’années.

Il est possible que les changements dans l’alimentation, notamment l’ajout progressif de viande, soient survenus plus tard dans notre lignée, avec l’émergence du genre Homo. Ces adaptations alimentaires auraient alors permis de soutenir les besoins énergétiques croissants liés à l’augmentation de la taille du cerveau.

Cette recherche met également en lumière l’importance de la diversité alimentaire dans l’évolution humaine. Les australopithèques ne se limitaient pas à une seule source de nourriture ; ils exploitaient une grande variété de ressources, des plantes aux insectes. Cette capacité à s’adapter aux conditions environnementales pourrait être l’un des facteurs ayant permis à nos ancêtres de s’étendre dans des habitats variés à travers l’Afrique et au-delà.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.