Alors que la majeure partie de la planète enregistre des températures anormalement chaudes, l’Antarctique semble vouloir faire bande à part. Et pour cause, ce dernier enchaîne les anomalies froides depuis plusieurs mois. Certains records ont même été battus ou frôlés.
Le record de la température la plus froide jamais observée sur Terre par une station météorologique est de -89,2 °C. Il s’agit d’une mesure effectuée le 21 juillet 1983 à la base antarctique de Vostok. Si de telles valeurs n’ont pas été approchées au cours des derniers mois, l’intensité du froid sur le continent blanc a néanmoins établi quelques records saisonniers.
En effet, la température moyenne à la base antarctique Amundsen-Scott entre avril et septembre derniers (c’est-à-dire lors de l’hiver austral élargi) a été la plus basse jamais mesurée depuis le début des relevés en 1957. Aussi, la valeur de -61 °C rapportée par les scientifiques se situe 4,5 °C sous la moyenne trentenaire la plus récente. Le précédent record à cette station située dans l’intérieur du continent remontait à 1987 avec -60,6 °C.
Et alors que nous entamons désormais le mois d’octobre, l’air glacial continue de régner en maître sur les terres enneigées du pôle sud. La station de Vostok a par exemple relevé une température de -79,4 °C il y a de ça quelques jours, à seulement 0,6 °C du record de froid mondial pour un mois d’octobre.
À l’origine du froid extrême, un vortex antarctique en grande forme
Cette anomalie froide régionale contraste très nettement avec le reste du globe qui sort d’un de ses étés les plus chauds jamais observés. La figure ci-dessous illustre bien l’absence de contradiction entre un pôle sud anormalement froid et une planète qui continue de se réchauffer dans son ensemble. D’une façon générale, l’Antarctique est connu pour être relativement isolé du reste du monde et animé par des fluctuations thermiques de grande ampleur.
L’origine du régime anormalement froid en place depuis plusieurs mois est à chercher du côté du vortex polaire. Situé dans la stratosphère, ce tourbillon d’air froid se forme chaque année durant l’automne austral, se renforce et culmine durant l’hiver puis se dissipe au printemps, entraînant avec lui les vents près de la surface. Or, au cours des derniers mois, ce vortex a été particulièrement puissant.
« Fondamentalement, les vents dans la stratosphère polaire ont été plus forts que la normale, ce qui est associé au déplacement du courant-jet vers le pôle », explique la spécialiste Amy Butler au Washington Post. « Cela maintient l’air froid verrouillé sur une grande partie de l’Antarctique ».
En l’absence d’échanges thermiques notables, les masses d’air polaire se refroidissent jusqu’à des niveaux extrêmement bas. Une fois mises en mouvement, par exemple lors de fluctuations internes au tourbillon, ces poches glaciales peuvent apporter des épisodes de froid intense sur les marges du continent et même jusqu’aux moyennes et basses latitudes de l’hémisphère sud.
Enfin, notons que la présence d’un vortex polaire intense s’associe nécessairement à des niveaux d’ozone stratosphérique anormalement bas. Ce n’est donc pas une surprise si l’on constate cette année un trou d’ozone extrêmement étendu ainsi que nous le rapportons dans un article dédié.