Antarctique : découverte d’un processus clé responsable du déclin des plateformes de glace

Crédits : Imaggeo / Public domain.

Une équipe de chercheurs australiens a découvert l’existence d’un processus clé pilotant la fonte basale de certaines plateformes de glace de l’Antarctique. Une avancée qui permettra à terme de mieux anticiper les changements futurs du niveau des mers. Et pour cause, le processus en question n’est pas présent dans les modèles climatiques actuels. Les résultats ont été publiés dans la revue PNAS ce 7 février. 

Au cours des vingt dernières années, l’inlandsis antarctique a connu une perte de glace estimée à 2500 milliards de tonnes. Cette tendance concrétise notamment les changements survenus sur la partie occidentale de la gigantesque calotte glaciaire. En effet, malgré l’existence de domaines vulnérables, la partie orientale est globalement moins affectée.

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Perte de glace cumulée sur la calotte antarctique entre 2002 et 2020. La perte moyenne sur la période est de 149 milliards de tonnes de glace par an. Enfin, l’absence de données autour de 2017 et 2018 est liée au passage à de nouveaux satellites. Crédits : NASA.

Le continent austral connaît des températures atmosphériques extrêmement basses tout au long de l’année. Aussi, malgré le réchauffement moyen, la majeure partie des pertes de glace n’est pas due à la fonte directe de surface. Dans cette région très reculée, c’est surtout l’océan qui entre en jeu.

Chaleur océanique et fonte de la calotte antarctique

Ce dernier présente un schéma d’évolution complexe marquée par un léger refroidissement en surface, mais par un réchauffement rapide des masses d’eau en profondeur. Ainsi, les plateformes de glace qui forment les prolongements marins de l’inlandsis sont peu à peu rongées par le dessous au contact d’une eau anormalement chaude. Or, ces barrières naturelles agissent de façon à ralentir l’écoulement glaciaire en amont par effet d’arc-boutant. De fait, leur amincissement ou effondrement provoque une augmentation de cet écoulement vers l’océan. Une quantité croissante de glace est donc perdue par suite de ce processus auto-entretenu.

icebergs plateforme de glace
Représentation schématique d’une plateforme de glace. L’eau chaude circule en profondeur et provoque une fonte par le dessous. Notez le sens d’écoulement de la glace, depuis le continent vers l’océan. Crédits : capture d’écran/AGU.

Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont découvert un nouveau mécanisme par lequel la fonte sous-marine s’articule. Les résultats montrent que ce ne sont pas forcément les fluctuations des courants marins sous les plateformes qui jouent le plus. « En utilisant la modélisation informatique, nous pouvons maintenant voir qu’un processus connu sous l’appellation convection de double diffusion se produit, en raison des conditions océaniques uniques sous les plates-formes de glace. Là où l’eau froide et douce se trouve au-dessus d’un océan plus chaud et plus salé », indique Bishakhdatta Gayen, coauteur du papier.

Vers une compréhension fine des processus à l’œuvre

Le phénomène de double diffusion agit à petite échelle. Il nécessite par conséquent le recours à des modélisations à très haute résolution pour être représenté dans les simulations. Or, comme les observations directes sont très peu nombreuses, les modèles numériques sont pour l’heure la seule possibilité de mettre en évidence la présence de ce phénomène sous les plateformes de glace de l’Antarctique. « Les simulations des supercalculateurs nous permettent d’étudier virtuellement ces environnements éloignés », explique Benjamin Keith Galton-Fenzi, également coauteur de l’étude. La vidéo ci-dessous illustre le mécanisme de fonte lié à la convection de double diffusion.

« Ce processus est actuellement absent des modèles océan-climat, qui ne prennent en compte que la fonte due aux courants océaniques », note le papier dans son résumé. Or, il s’agit pourtant du mécanisme principal dictant le taux de fonte en zones de faibles courants. Les travaux menés par les chercheurs appelleront ainsi à revoir notre compréhension sur la manière dont les processus océaniques affectent la calotte antarctique. Il ne fait guère de doute que nombre d’hypothèses faites dans divers travaux antérieurs devront être abandonnées. « Il s’agit en fait d’une pièce très importante du puzzle pour les modèles climatiques, car en fin de compte, cela nous aide à comprendre les forces de base qui entraînent l’élévation du niveau de la mer », relate Bishakhdatta Gayen.

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