Quatre colonies de manchots empereurs sur cinq dans la rĂ©gion de la mer de Bellingshausen, en Antarctique, ont perdu leurs poussins Ă la fin de l’annĂ©e dernière. Certaines parties de cette rĂ©gion cĂ´tière avaient perdu toute leur glace de mer en novembre, probablement avant que les poussins n’aient dĂ©veloppĂ© des plumes adultes impermĂ©ables et n’apprennent Ă nager. C’est la première fois que les chercheurs constatent un tel Ă©chec dans plusieurs colonies de manchots dans une rĂ©gion. Il s’agit d’un nouveau coup dur pour cette espèce emblĂ©matique dĂ©jĂ fragilisĂ©e.
L’empereur menacĂ© d’extinction
Le manchot empereur (Aptenodytes forsteri), l’une des espèces les plus emblĂ©matiques de l’Antarctique, Ă©volue actuellement sur une pente glissante. Ces oiseaux dĂ©pendent en effet des plateformes de glace et des banquises pour se reproduire et se nourrir. Malheureusement, les tempĂ©ratures en augmentation dans la rĂ©gion fragilisent de plus en plus leur habitat. Les polluants marins, tels que les hydrocarbures et les plastiques, peuvent Ă©galement affecter les manchots empereurs et leur environnement en polluant l’eau et les proies marines.
Il existe actuellement une soixantaine de colonies reproductrices de manchots empereurs (Aptenodytes forsteri) Ă©voluant le long de la cĂ´te de l’Antarctique. Elles comprennent environ 300 000 couples reproducteurs, ce qui reprĂ©sente un peu plus de 600 000 spĂ©cimens. Une étude rĂ©cemment publiĂ©e avait toutefois mis en lumière les menaces imminentes pesant sur la survie de ces oiseaux. D’après ces travaux, jusqu’Ă 70% des colonies pourraient en effet disparaĂ®tre d’ici 2050 si les taux actuels de perte de glace de mer se prolongent.

Une année terrible pour les manchots empereurs
Ces rĂ©centes observations ne vont rien arranger. Sur cinq colonies connues de manchots empereurs dans la rĂ©gion de la mer de Bellingshausen, Ă l’ouest de l’Antarctique, quatre n’auraient pas rĂ©ussi Ă se reproduire cette annĂ©e en raison de la baisse record des glaces de mer. Les chercheurs fondent leurs conclusions sur des observations de leurs excrĂ©ments, appelĂ©s guano, faites grĂ¢ce Ă des satellites. La rĂ©gion de la mer de Bellingshausen est en effet beaucoup trop isolĂ©e pour effectuer des relevĂ©s sur le terrain.
« Nous n’avons jamais vu de manchots empereurs Ă©chouer Ă se reproduire Ă cette Ă©chelle en une seule saison« , dĂ©plore Peter Fretwell, de la British Antarctic Survey. « La perte de glace de mer dans cette rĂ©gion au cours de l’Ă©tĂ© antarctique a rendu très improbable la survie des poussins dĂ©placĂ©s« . Le problème est que ce type d’Ă©chec pourrait devenir de plus en plus courant Ă long terme, entraĂ®nant ainsi les populations Ă renouveler les effectifs.
Outre le changement climatique d’origine humaine, le phĂ©nomène climatique naturel La Niña des trois dernières annĂ©es a probablement contribuĂ© Ă ce que la mer de Bellingshausen ait eu particulièrement peu de glace marine au cours de l’annĂ©e 2022. Un retour aux conditions El Niño cette annĂ©e pourrait aider cette rĂ©gion particulière. En effet, les phĂ©nomènes El Niño et La Niña ont des influences opposĂ©es sur le climat en Antarctique par rapport Ă de nombreuses autres rĂ©gions du monde. Le continent commence ainsi tout juste Ă sortir de sa longue nuit polaire. Alors qu’elles redeviennent visibles, les chercheurs pourront continuer Ă surveiller toutes ces colonies par satellite dans le but de suivre leur Ă©volution.
Les dĂ©tails de l’Ă©tude sont publiĂ©s dans la revue Communications Terre & Environnement .