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Ces anciens vers géants traquaient les poissons depuis leur terrier

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Un ver Bobbit (Eunice aphroditois). Crédits : Jenny — Flickr/Wikipédia

Il y a environ vingt millions d’années, les rives du nord de Taiwan étaient criblées de terriers d’où surgissaient des vers de près de deux mètres de long pour s’attaquer aux poissons. Une équipe de chercheurs a récemment décrit 319 traces de ces vers marins carnivores, dont les tanières se sont fossilisées dans la boue du miocène.

Le ver Bobbit (Eunice aphroditois) est une espèce de vers marins de la famille des Eunicidae pouvant mesurer jusqu’à trois mètres de long. Sa technique de chasse est la suivante : il dissimule la majeure partie de son corps élancé dans de longs et étroits terriers creusés dans le fond marin, puis surveille les passants éventuels. Si un poisson malchanceux se rapproche d’un peu trop près, le Bobbit détecte une perturbation à l’extérieur de son repaire et surgit en un éclair, attrape sa proie et la ramène dans son terrier à reculons pour la dévorer. Dans le même temps, le sable s’effondre au-dessus de l’entrée, masquant ni vu ni connu aux « yeux du monde » la scène macabre.

Une étude récente publiée dans la revue Scientific Reports détaille un ancêtre potentiel du Bobbit aux mêmes techniques prédatrices. Il évoluait dans les fonds marins du continent eurasien il y a environ vingt millions d’années.

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Crédits : Sassa Chen

Plus de 300 traces préservées

Les traces fossiles sont des vestiges des créatures qui les ont fabriquées : des empreintes de pas et autres traces de mouvements, et non les restes fossiles des créatures elles-mêmes. Ces vers, vraisemblablement composés de tissus mous, se sont probablement détériorés peu de temps après leur mort.

L’étude examine ici un grand terrier recréé à partir de 319 spécimens préservés dans ce qui était le fond marin du nord-est de Taiwan au miocène.

Au départ, les chercheurs pensaient qu’il s’agissait d’un « terrier de crevettes très sophistiqué« , explique Ludvig Löwemark, sédimentologue à l’Université nationale de Taiwan. « Et puis, après avoir discuté avec d’autres experts, nous nous sommes penchés vers une hypothèse bivalve« . Toutefois, ces deux options ne collaient pas.

En effet, les crevettes auraient laissé des chambres de ramification « à demi-tour » dans leurs tanières et un bivalve suspect aurait formé un « cul-de-sac » au fond de sa tanière de manière à pouvoir placer sa coquille. Un ver d’embuscade prédateur, qui opère à sens unique, semblait donc beaucoup plus correspondre au profil. Ces traces de fossiles ont été baptisées Pennichnus formosae.

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Un ver Bobbit (Eunice aphroditois). Crédits : Jenny — Flickr/Wikipédia

Quasiment deux mètres de profondeur

Grâce à ces analyses, les chercheurs ont compris que tous ces terriers viraient horizontalement à mesure qu’ils s’enfonçaient, formant une tanière effilée en forme de boomerang d’environ 2,5 cm de large pour environ 1,8 m de profondeur. Cette courbure laisse à penser qu’il devenait plus difficile pour ces créatures de creuser à une certaine profondeur ou que l’environnement devenait de plus en plus anoxique (manque d’oxygène, les vers « respirent » à travers leur peau).

« Pour résumer, nous émettons l’hypothèse qu’il y a environ 20 millions d’années, d’anciens vers colonisaient le fond marin à la frontière sud-est du continent eurasien, attendant en embuscade qu’un repas se présente« , écrivent les chercheurs. « Lorsqu’une proie se rapprochait, ces vers surgissaient hors de leur terrier, saisissant et entraînant leur victime dans les sédiments. Sous le fond marin, la proie désespérée se tortillait pour s’échapper, entraînant une perturbation supplémentaire des sédiments autour de l’ouverture du terrier« .

Ces résultats comblent une lacune dans notre connaissance de la façon dont ce type de créature a évolué et s’est développé au fil du temps.

Brice Louvet, expert espace et sciences

Rédigé par Brice Louvet, expert espace et sciences

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.