Une amulette vieille de 6 000 ans révèle une technique encore utilisée par la Nasa

Credits: CNRS

Une amulette vieille de 6 000 ans découverte au Pakistan pourrait être le plus ancien exemple connu d’une technique de fonderie encore utilisée par la Nasa.

C’est le plus ancien objet fabriqué à la cire perdue. Découvert dans les années 1980 à Mehrgarh, dans l’actuel Pakistan, la forme de cet objet vieux de 6 000 ans indique qu’il a été conçu avec la première technique de fonderie de précision : la fonte à la cire perdue, une technique encore utilisée par la NASA et de nombreux autres fabricants d’aujourd’hui. Ce procédé part d’un modèle sculpté dans un matériau à bas point de fusion, comme la cire d’abeille. Le modèle est ensuite enrobé de terre argileuse avant d’être chauffé pour évacuer la cire, puis cuit. Le moule est alors rempli de métal en fusion puis brisé pour libérer l’objet métallique.

Ayant la ferme intention de retracer l’histoire de cet objet pas comme les autres, une équipe de chercheurs du Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) menée par Mathieu Thoury a tiré un faisceau de lumière très puissant sur l’artefact. Cette technique, appelée spectroscopie par photoluminescence, aura permis aux chercheurs de révéler la structure interne de l’objet, une véritable signature de ce qui se passait il y a 6000 ans dans ce haut lieu de l’innovation depuis le Néolithique.

© Cliché C. Jarrige, Mission archéologique de l'Indus. Vue photographique du site archéologique MR2 à Mehrgarh occupé de 4 500 à 3 600 ans avant J.-C. où a été retrouvée l'amulette.
Credits: CNRS © Cliché C. Jarrige, Mission archéologique de l’Indus.
Vue photographique du site archéologique MR2 à Mehrgarh occupé de 4 500 à 3 600 ans avant J.-C. où a été retrouvée l’amulette.

En sondant l’intérieur de l’artefact aujourd’hui majoritairement composé d’oxyde de cuivre (cuprite), les chercheurs ont découvert des bâtonnets dont la forme et la disposition ont permis à l’équipe de reconstruire la chaîne de fabrication de l’amulette avec précision. Il y a 6000 ans, après solidification à haute température du cuivre la constituant, l’amulette était composée d’une matrice de cuivre pur constellée de bâtonnets de cuprite, une conséquence des conditions oxydantes de la fonte. Avec le temps, le cuivre de la matrice s’est également corrodé en cuprite. Le contraste observé par photoluminescence résulte d’une différence de défauts cristallins entre les deux cuprites présentes : des atomes d’oxygène sont manquants dans la cuprite des bâtonnets, défaut qui n’existe pas dans celle formée par corrosion.

Grâce à cette technique de spectroscopie par photoluminescence, les chercheurs ont pu identifier le minerai utilisé, en l’occurrence, du cuivre particulièrement, la teneur en oxygène absorbée par le métal en fusion, et même les températures de fonte et de solidification, proche de 1072°C.

© Cliché D. Bagault, C2RMF. Photographie de l'amulette de Mehrgarh, plus ancien témoignage de fonte à la cire perdue.
Credits: CNRS © Cliché D. Bagault, C2RMF.
Photographie de l’amulette de Mehrgarh, plus ancien témoignage de fonte à la cire perdue.

Notons que l’introduction de fonderie à la cire perdue à ce point donné de l’histoire humaine aura marqué un changement majeur dans la façon dont les objets métalliques ont été fabriqués par la suite. La technique permet en effet des conceptions plus compliquées, comme des couteaux, des cruches d’eau, des outils, des bijoux, ou même des statues métalliques. « Ce n’est peut-être pas le plus bel objet » note Mathieu Thoury, « mais il détient tant d’histoire. Cette amulette nous montre combien les métallurgistes de l’époque étaient novateurs et en avance sur leur temps ».

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