L’ambiguïté de l’accord de Glasgow sur ‘une fin de la déforestation pour 2030’

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Crédits : INPE

L’engagement pris fin 2021 par une centaine de pays en vue de mettre fin à la déforestation d’ici 2030 a été présenté par certaines figures comme un évènement historique. Cependant, une profonde ambiguïté règne sur les termes concrets de cet accord. Comme l’interroge en filigrane une note publiée dans la revue PNAS, se pourrait-il qu’il ne s’agisse là que d’une opération internationale de greenwashing ?

En novembre 2021, dans le cadre de la COP26 tenue à Glasgow (Écosse), 141 chefs d’États et de gouvernements déclaraient vouloir mettre fin à la déforestation et à la dégradation des sols d’ici 2030. L’objectif ? Rester sur une trajectoire compatible avec un réchauffement global inférieur à 2 °C comme le prévoit l’Accord de Paris sur le climat. Les pays en question représentant quelque 85 % des forêts du monde, la tentation est grande de se féliciter de voir un tel effort mis en place.

Un accord ambigu sur la déforestation

Toutefois, le bât blesse lorsqu’il s’agit de savoir ce que le texte entend par déforestation. En effet, s’il est question de mettre fin à la déforestation brute, autrement dit à tout défrichement de nouvelles parcelles de forêt, alors l’engagement est réellement ambitieux. Cependant, s’il s’agit plutôt de stopper la déforestation nette, alors les pays pourraient très bien continuer à défricher des espaces vierges en compensant les surfaces perdues par des plantations de monoculture.

Or, ces dernières intègrent considérablement moins de carbone et de biodiversité par rapport aux forêts primaires. De fait, si la compensation vaut effectivement sur le plan strictement comptable, en termes de surface, elle est pour ainsi dire absente sur les plans physique et biologique. Il s’agit d’une ambiguïté majeure que des chercheurs ont récemment explorée dans une note d’opinion publiée dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) ce 2 juin.

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Représentation schématique de la déforestation brute (orange) et nette (gris foncé), la différence entre les deux étant liée à la reforestation naturelle ou intentionnelle (vert). La situation actuelle figure tout à gauche et celles des trois scénarios étudiés par les chercheurs à sa droite. Crédits : Adam Islaam, International Institute for Applied Systems Analysis.

« Cette distinction est importante, car les différentes interprétations de la manière dont les pays peuvent mettre fin à la déforestation ont un impact considérable sur les futures émissions de dioxyde de carbone », rapporte le document. « Pour faire simple, mettre fin à la déforestation brute serait un grand pas en avant pour le climat. Néanmoins, le fait de ne considérer que la déforestation nette pourrait être anecdotique, voire préjudiciable à la biodiversité ».

Une non-contrainte sur les émissions de carbone et la biodiversité ?

En étudiant trois scénarios de déforestation compatibles avec l’engagement avancé à Glasgow, les chercheurs ont montré que selon l’interprétation qui était faite des termes onusiens, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) associées à la déforestation pouvaient soit devenir négatives, c’est-à-dire que la végétation capture plus de carbone qu’elle n’en perd, soit se poursuivre à un niveau proche de celui des années 2010. Le scénario intermédiaire est quant à lui une sorte de mix entre ces deux extrêmes.

« La conclusion la plus importante de notre exercice de modélisation est que la déclaration des dirigeants à Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres est trop ambiguë », rapporte Thomas Gasser, auteur principal du papier. « Nous devons donc surveiller les actions des pays signataires pour voir s’ils tiendront réellement leurs promesses ou s’il ne s’agira que d’un autre ensemble de promesses creuses comme la déclaration de New York sur les forêts de 2014 dont personne ne se souvient ».