Une semaine noire pour la Bretagne. Samedi 6 juillet, un jeune ostréiculteur de 18 ans est décédé dans la Baie de Morlaix. Le 9 juillet, un homme de 70 ans est également mort brutalement sur une plage de la commune de Plonévez-Porzay. Trois associations locales s’inquiètent pour la population quant à la présence d’algues vertes et d’hydrogène sulfuré (H2S). Deux d’entre elles demandent un protocole spécifique d’autopsie pour rechercher si le H2S, potentiellement toxique, pourrait être en cause en cas de décès sur une plage polluée.
Hydrogène sulfuré : des analyses en cours
D’après Le Télégramme et 20 Minutes, seul le corps du jeune ostréiculteur de 18 ans a été autopsié et les résultats ont été présentés ce lundi. Il est décédé des suites d’une noyade et il n’y aurait eu aucune “trace de violence”. L’homme de 70 ans a lui été victime d’une crise cardiaque, mais l’association Baie de Douarnenez Environnement a demandé “qu’une recherche de H2S dans les tissus pulmonaires de la victime soit très rapidement effectuée.”
Le procureur de la République de Brest Jean-Philippe Récappé a précisé que “les causes de la mort du jeune homme n’ont pas encore été déterminées”. Il s’agit de “vérifier si la décomposition des algues a pu avoir un effet sur ce décès”.
(Mise à jour du 19 Juillet 2019)
Le jeudi 18 juillet, le procureur de la République de Brest, Jean-Philippe Récappé, a annoncé les résultats des analyses toxicologiques réalisées sur le corps du jeune homme de 18 ans, mais elles n’ont révélé aucune trace d’hydrogène sulfuré dans son organisme. Ces analyses ont également montré qu’il n’avait pas consommé de drogue ou de stupéfiants.
D’après nos confrères de 20Minutes, « le parquet n’a cependant pas pu préciser les causes du malaise du jeune ostréiculteur, qui s’était brutalement effondré dans le parc à huîtres où il travaillait. »
Algues vertes : quels risques pour la santé ?
Le site officiel Algues-vertes, géré par la région Bretagne et le gouvernement, explique le phénomène des algues vertes et donne des conseils de prévention.
On y apprend que 8 baies bretonnes sont concernées par l’échouage et l’amoncellement d’algues vertes, qui sèchent et forment des croûtes lorsqu’elles ne sont pas ramassées rapidement. Le Plan de lutte contre ces algues prévoit leur ramassage mais dans les faits, la région semble avoir des difficultés à les traiter par la suite.
Après 24 à 48 heures, les algues décomposées sous la croûte fermentent et produisent du sulfure d’hydrogène (H2S). Composé de soufre et d’hydrogène, ce gaz très toxique est potentiellement mortel pour l’homme ou les animaux.
Il est donc conseillé de ne pas marcher sur ces algues pour éviter de libérer de l’hydrogène sulfuré, même si le gaz se disperse rapidement à l’air libre. En effet, l’inhalation de ce gaz toxique peut provoquer une simple gêne (odeurs, picotements des yeux et du nez), un malaise grave ou le décès par œdème pulmonaire ou arrêt cardiaque.
Des associations réclament un protocole spécifique
Selon l’AFP relayée par le site Géo, les associations Sauvegarde du Trégor et Halte aux marées vertes réclament la mise en place d’un protocole spécifique en cas de décès potentiellement lié à la présence d’algues vertes.
André Ollivro, co-président de l’association Halte aux marées vertes, a déclaré mercredi à l’AFP qu’”il faut qu’une prise de sang soit faite systématiquement, chaque fois qu’une personne est retrouvée morte dans une zone à vasière ou une zone sensible aux échouages d’algues vertes.”
Depuis le décès d’un joggeur en 2016, l’association demande également une analyse systématique des tissus pulmonaires “pour déterminer la présence d’un œdème caractéristique de l’intoxication due aux algues vertes ».
Quelles solutions pour lutter contre la prolifération d’algues vertes ?
Les bénévoles de l’association Eaux et Rivières de Bretagne précisent que la situation des algues vertes perdure depuis 40 ans et coïncide avec le début du développement de l’agriculture intensive.
Depuis les années 1980 voire avant, des pesticides, nitrates et autres produits phytosanitaires s’infiltrent dans les sols, les nappes phréatiques, et rejoignent les cours d’eau puis la mer.
En 2000, un rapport de l’Ifremer pointait déjà du doigt la présence de pesticides dans la Baie de Morlaix.
Ce rapport affirmait notamment que “parmi les herbicides agissant sur la croissance, c’est incontestablement le 2,4-D qui pour les doses testées (entre 53 et 374 ng/L) est le plus inhibiteur. Son action se manifeste dès le début de la croissance en réduisant le taux de croissance de 30%.”
Le 2,4-D est une hormone de synthèse qui agit au niveau cellulaire.
Etant donné le risque que représente ces algues vertes pour la santé et la vie publiques, ou pour la biodiversité, espérons que l’Etat réagisse à coups de subventions spéciales pour permettre :
– le ramassage et le traitement rapides des algues,
– l’interdiction d’utiliser des pesticides ou des herbicides près des ruisseaux, sources et cours d’eaux ; voire totalement comme l’a fait Gennevilliers ou l’Autriche,
– le soutien à une agriculture naturelle.
Selon Reporterre, en mars dernier, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’arrêté du 4 mai 2017 a été publié par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Cet arrêté est très important car il vise la protection des points d’eau contre les pollutions diffuses aux pesticides.
Il impose une bande minimale de 5 mètres exempte de traitements phytosanitaires autour des milieux aquatiques, ce qu’on appelle des zones non traitées (ZNT).
Toutefois, d’après le rapport officiel, “seulement un quart des arrêtés préfectoraux pris reprennent les références cumulatives de l’arrêté de mai 2017”, qui présentait une définition complète de la notion de cours d’eau. “Les trois-quarts [des arrêtés] restants ont donc exclu des éléments hydrographiques auparavant protégés”, s’insurge Reporterre.