Les modèles sont des outils essentiels pour comprendre les complexités du système climatique de notre planète et anticiper les impacts du changement climatique. Cependant, ils sont souvent lents et coûteux à exécuter, en partie à cause de la lenteur intrinsèque de certains processus simulés, comme la circulation océanique. Un nouvel algorithme développé par des chercheurs promet de révolutionner ce domaine en accélérant considérablement ces simulations.
Des modèles très complexes
Les modèles climatiques sont parmi les logiciels les plus complexes jamais écrits, avec des millions de lignes de code et des simulations qui peuvent prendre plusieurs mois à s’exécuter.
Premièrement, la complexité des modèles climatiques découle de la nécessité de représenter un grand nombre de phénomènes et de processus physiques qui interagissent de manière complexe dans le système climatique de la Terre. Ces modèles doivent prendre en compte des éléments tels que la dynamique de l’atmosphère, de l’océan, de la cryosphère (les régions de glace), de la biosphère et des interactions entre eux. Chaque composant du système climatique est donc modélisé en détail, avec des équations mathématiques complexes pour représenter les processus physiques sous-jacents.
Deuxièmement, la simulation des processus océaniques ajoute une complexité supplémentaire aux modèles climatiques qui doivent en outre prendre en compte le temps. La circulation océanique est un phénomène qui se déroule en effet sur des échelles de temps et d’espace extrêmement longues, allant de la circulation globale des océans sur des milliers d’années à des processus régionaux et locaux sur des échelles de quelques années à quelques décennies.
Pour capturer ces phénomènes, les modèles climatiques doivent donc diviser les océans en grilles spatiales fines et effectuer des calculs pour chaque cellule de la grille à chaque pas de temps de la simulation. Cela nécessite une puissance de calcul considérable.
Accélérer le processus de spin-up
Des chercheurs ont récemment développé un nouvel algorithme capable de rendre ces simulations climatiques jusqu’à dix fois plus rapides en accélérant le processus de spin-up. Ce dernier fait référence à la période pendant laquelle le modèle est initialisé et équilibré avant de commencer à simuler les changements climatiques induits par l’activité humaine. Plus précisément, l’objectif du spin-up est d’atteindre un état d’équilibre où les conditions initiales du modèle représentent de manière réaliste le climat préindustriel de la Terre, avant l’impact significatif des émissions de gaz à effet de serre et d’autres activités humaines.
Traditionnellement, ce processus de spin-up peut prendre plusieurs mois, voire plus, en raison de la complexité des modèles climatiques et de la lenteur des processus physiques qu’ils simulent. Pendant cette période, le modèle est exécuté à plusieurs reprises avec différentes conditions initiales jusqu’à ce qu’il converge vers un état d’équilibre satisfaisant.
L’algorithme récemment développé vise donc à accélérer ce processus en utilisant une technique appelée « accélération de séquence ». Elle consiste à exploiter les résultats des simulations précédentes pour guider et accélérer la convergence du modèle vers un état d’équilibre. Plutôt que de répéter de manière exhaustive le processus de spin-up à chaque exécution du modèle, l’algorithme utilise donc les informations obtenues lors des itérations précédentes pour initialiser de manière plus efficace les simulations suivantes.
Vers des modèles plus rapides, plus fiables et plus puissants
En réduisant le nombre d’itérations nécessaires pour atteindre l’équilibre, l’algorithme permet ainsi d’accélérer considérablement le processus de spin-up et donc l’ensemble de la simulation climatique. En plus d’économiser du temps et de l’énergie, cela permettra également aux scientifiques de calibrer les modèles par rapport aux observations réelles, améliorant ainsi leur précision et leur fiabilité.
Enfin, cette avancée technologique permettra aux scientifiques de réaliser des simulations avec une résolution spatiale plus élevée. En effet, les modèles climatiques ne fournissent actuellement des informations détaillées que sur des échelles de plusieurs dizaines de kilomètres. Avec le nouvel algorithme, il sera possible de capturer des phénomènes critiques à des échelles beaucoup plus fines, comme les tempêtes et les ouragans.
L’utilisation généralisée de cet algorithme pourrait donc avoir un impact significatif sur la manière dont nous comprenons et anticipons le changement climatique. En permettant des simulations plus rapides et plus précises, il pourrait contribuer à renforcer la base scientifique sur laquelle reposent les politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
Les détails de l’étude sont publiés dans Science Advances.