Des chercheurs alertent sur l’imminence d’un « phosphogeddon »

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L’exploitation du phosphore est essentielle pour la sécurité alimentaire et hydrique. Cependant, remédier à notre mauvaise gestion de ce nutriment représente un défi pressant. Le phosphore commence en effet à manquer et entraîne qui plus est une pollution à l’échelle mondiale des ressources en eau. Cet élément, qui a sauvé notre mode de vie, menace désormais d’y mettre fin à moins que des solutions durables soient mises en place.

Le phosphore, un minéral crucial en quantités limitées

Découvert en 1669 par le scientifique allemand Hennig Brandt, qui l’a isolé dans de l’urine, le phosphore (l’élément chimique numéro 15) est un minéral essentiel à la vie sur Terre. On le retrouve associé à des combinaisons organiques multiples dans les acides nucléiques (ADN et ARN) dont il constitue le squelette. Chez l’Homme et les autres animaux, il s’agit du minéral le plus abondant après le calcium. Il permet notamment la formation et la solidité des os et des dents, mais aussi la multiplication cellulaire ainsi que le transfert d’énergie.

L’importance mondiale de cet élément réside également dans son utilisation pour favoriser la croissance des cultures. Dans le monde végétal, le phosphore est en effet entre autres impliqué dans le processus de photosynthèse. Environ cinquante millions de tonnes d’engrais phosphatés sont ainsi vendues dans le monde chaque année dans le but de soutenir l’alimentation des huit milliards d’habitants de la planète. Naturellement, la demande continuera de s’accroître jusqu’en 2050 parallèlement à l’augmentation de la population mondiale.

Le phosphore est donc essentiel. Le problème est qu’il n’est disponible qu’en quantités limitées. Les principaux gisements se trouvent au Maroc, en Chine et en Algérie. Aux États-Unis, les réserves sont tombées à 1 % des niveaux précédents, tandis que la plupart des autres pays dépendent principalement des importations.

Vers une crise généralisée

Au cours de ces dernières années, les scientifiques ont tenté d’alerter sur cette crise imminente, qualifiée par certains de véritable « phosphogeddon ». Cette pression croissante sur les stocks fait en effet craindre que le monde n’atteigne bientôt un pic de phosphore. Les approvisionnements diminueront alors, obligeant de nombreux pays à lutter pour obtenir suffisamment de nourriture pour soutenir leur population. La perspective préoccupe également certains analystes qui craignent que quelques cartels ne contrôlent bientôt la plupart des approvisionnements mondiaux.

Tout le monde n’est pas d’accord sur la date butoir de ce pic. Certains pensent que nous aurons épuisé les réserves dans quelques dizaines d’années quand d’autres tablent sur plusieurs siècles. En revanche, tous s’accordent à dire la même chose : nous devons prendre le problème très au sérieux.

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Crédits : Catkin/Pixabay

À l’heure actuelle, aucune institution publique n’a la responsabilité de gérer les ressources mondiales en phosphore. Lorsqu’elles existent, les réglementations qui prennent en compte le phosphore sont dépassées et ne traitent pas suffisamment les aspects plus larges de l’utilisation durable ou des besoins futurs pour soutenir un accès équitable aux ressources à l’échelle mondiale. Pour les spécialistes, nous devons donc faire plus pour espérer baisser autant que faire se peut notre consommation de phosphore tout en imaginant des techniques visant à recycler cet élément.

Il est en effet utile de rappeler que les engrais phosphatés sont aujourd’hui lessivés dans les rivières, les lacs et les mers, provoquant ainsi une prolifération d’algues généralisée. Or, ces proliférations créent des zones aquatiques mortes qui menacent les stocks de poissons. Par ailleurs, une algue qui meurt se décompose pour produire du méthane, dont le pouvoir chauffant est environ trente fois supérieur à celui du CO2.