La lente agonie de Flucker, une baleine sans queue blessée par l’Homme

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Crédits : Alexis Rosenfeld

En Méditerranée, l’histoire tragique d’une baleine en train de mourir de faim est un rappel cruel du danger encourus par de nombreux cétacés à cause du trafic maritime.

Une lente agonie

Observé depuis une vingtaine d’années maintenant, Flucker est une baleine mâle tristement célèbre. Et pour cause, victime d’une collision avec un bateau il y a quelques années, l’animal avait déjà vu sa nageoire caudale à demi-amputée. Il y a moins d’un an, il a perdu le reste de sa queue, probablement suite à « une autre collision avec un navire ou à cause d’un enchevêtrement dans un filet« , selon les experts du sanctuaire marin Pelagos, zone protégée créée entre l’Italie, la France et Monaco.

Désormais privé de moyen de propulsion, Flucker peine à se nourrir depuis plusieurs mois, bien incapable de rejoindre les grandes profondeurs pour chasser le krill.

Le photographe Alexis Rosenfeld et le WWF ont récemment assisté à sa lente agonie. Sur ces photos, prises début juillet, se dévoile un animal très affaibli, à qui il ne reste plus que la peau sur les os.

« De jour en jour, son état se dégrade. Elle tente inlassablement de plonger, en vain, écrit dans un post Facebook le journaliste Hugo Clément. À l’heure où j’écris ces lignes, Flucker est peut-être déjà morte« .

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Crédits : Alexis Rosenfeld Photographe

Flucker est un rorqual commun (Balaenoptera physalus). Après la baleine bleue, c’est le deuxième plus grand animal vivant sur la planète. Ces animaux mesurant une vingtaine de mètres à l’âge adulte affichent, en temps normal, un poids de 40 à 50 tonnes sur la balance.

On ne sait pas aujourd’hui combien pèse Flucker, mais la baleine apparaît ici dans un état de maigreur terrible. « On sentait qu’elle avait du mal à se déplacer« , a indiqué à l’AFP Arnaud Gauffier, directeur des programmes de l’ONG WWF.

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Crédits : Alexis Rosenfeld Photographe

Protéger les cétacés

Ce destin tragique est un rappel urgent de la nécessité de mettre en place des mesures de protection pour les animaux marins de la région.

Et pour cause, avec un trafic maritime annuel estimé à 220 000 navires marchands, la navigation commerciale est particulièrement intense en Méditerranée occidentale, souligne sur son site le Sanctuaire Pelagos.

Il rappelle également que si la Méditerranée représente moins de 1% de la surface totale des océans, elle possède 28% du trafic mondial de transport pétrolier maritime.

Ce trafic s’intensifie encore davantage durant la saison estivale, durant laquelle plusieurs centaines de gros cétacés se retrouvent sous les eaux. Forcément, les risques de collisions sont alors nombreux.

On estime aujourd’hui que 10 à 40 rorquals communs sont tués chaque année de cette façon dans le sanctuaire Pelagos. À ces risques viennent également s’ajouter d’autres menaces, comme le bruit et la pollution par les hydrocarbures.

« Ce qui est surtout choquant, c’est le fait que des activités humaines aient pu la mettre dans cet état là« , insiste Arnaud Gauffier, qui réclame la mise en place d’une « zone maritime particulièrement vulnérable » en Méditerranée nord-occidentale, très fréquentée.

Cela permettrait notamment de limiter la vitesse des navires, et ainsi le risque de collision mortelle avec les cétacés.