Les bègues ne bégaient plus s’ils ont l’intuition d’être seuls

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Des chercheurs ont développé une expérience visant à tester l’effet de la parole seule chez les adultes bègues. Ces travaux confirment que les concernés ne bégaient pas pendant le discours privé. Les perceptions d’auditeurs, réels ou imaginaires, joueraient donc un rôle essentiel dans les problèmes de fluidité de la parole.

Le bégaiement est un trouble du flux ou rythme de la parole généralement caractérisé par des répétitions de mots et de syllabes, des prolongations de sons et/ou des blocages qui donnent l’impression d’un effort. On pense que plus de 70 millions de personnes dans le monde en souffrent quotidiennement.

Nous savons que le bégaiement a tendance à cesser dans le discours privé, lorsqu’on s’adresse à soi-même par exemple, ou à un animal. Mais il existe de nombreuses preuves anecdotiques de ce phénomène, il n’a jamais été confirmé en laboratoire, «principalement parce qu’il est difficile de créer des conditions dans lesquelles les gens croient qu’ils sont vraiment seuls», souligne Eric Jackson, orthophoniste et chercheur de l’Université de New York.

Avec son équipe, le Dr Jackson a donc mis en place une expérience pour tenter de comprendre ce phénomène.

Les bègues ne bégaient pas pendant le discours privé

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont recruté vingt-quatre volontaires. Tous ont été enregistrés en audio/vidéo tout en parlant dans plusieurs conditions : discours conversationnel, lecture, discours privé, dans lequel la tromperie a été utilisée pour augmenter la probabilité que les participants produisent un discours destiné uniquement à eux-mêmes. Mais aussi discours privé+, pour lequel la transcription en temps réel a été utilisée afin que les participants produisent les mêmes mots que dans la condition de discours privé, mais en s’adressant à deux auditeurs ; et une seconde condition de parole conversationnelle.

Pour le scénario de discours privé, les participants ont reçu un trio de tâches de codage informatique difficiles à accomplir, des tâches connues pour amener les gens à se parler à eux-mêmes. Les volontaires ont été faussement informés que personne n’écouterait pendant qu’ils effectuaient la tâche informatique. En réalité, ils étaient toujours surveillés et enregistrés par les chercheurs. Résultat, au cours de cet exercice, le bégaiement était quasi inexistant chez les 24 participants à l’étude.

«Le bégaiement n’a pas été observé dans plus de 10 000 syllabes produites pendant la condition de discours privé, à l’exception de sept événements de bégaiement légers possibles présentés par trois des vingt-quatre participants», écrivent les auteurs. «À l’inverse, la fréquence du bégaiement était similaire pour les autres conditions».

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Ces travaux en particulier, publiés dans le Journal of Fluency Disorders, ne dressent qu’un constat. La prochaine étape sera de savoir pourquoi le manque d’audience a un effet si important sur les problèmes de fluidité de la parole. Pour les chercheurs, le sentiment d’être jugé ou évalué pourrait jouer un rôle très important, mais ce n’est probablement pas l’unique facteur. De nombreux bègues cessent en effet de bégayer sur scène, lorsqu’ils chantent ou font du théâtre, par exemple.

Enfin, il serait également intéressant de comprendre à quel stade les considérations sociales commencent à affecter les jeunes enfants qui bégaient.