L’ADN de Neandertal pourrait déterminer votre sensibilité à la douleur

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Crédits : Natali_Mis/Istock

Des analyses récentes montrent que des variantes génétiques portées par Neandertal pourraient augmenter la sensibilité à la douleur chez certaines personnes, en particulier au sein des populations ayant une ascendance amérindienne prédominante.

La sensibilité à la douleur, liée à la génétique

Le gène SCN9A, situé sur le chromosome 2 humain, code pour une protéine appelée Nav1.7 qui joue un rôle crucial dans la transmission des signaux de douleur par les nerfs. Les mutations ou variantes génétiques de ce gène peuvent donc affecter la façon dont les nerfs détectent et transmettent la douleur.

Il a été observé que certaines variantes du gène SCN9A sont associées à une sensibilité accrue à des stimuli spécifiques, tels que des objets pointus. Par ailleurs, des études ont révélé que certaines de ces variantes génétiques du gène SCN9A étaient présentes chez les Néandertaliens, tandis que d’autres ont établi un lien entre l’ascendance européenne et la présence de ces variants hérités de Neandertal. Ces variants génétiques pourraient avoir été transmis aux populations humaines modernes lors des croisements entre Homo sapiens et nos anciens cousins.

Dans le cadre de nouveaux travaux dirigés par Pierre Faux, généticien à l’Institut national français de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement, les chercheurs ont étendu ces résultats en étudiant les Latino-Américains, montrant que ces variantes génétiques néandertaliennes sont beaucoup plus courantes chez les personnes d’ascendance amérindienne.

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Crédits : Gorodenkoff/iStock

Des variants génétiques très présents au Pérou

Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont examiné un grand échantillon de plus de 5 900 personnes vivant dans plusieurs pays d’Amérique latine, dont le Brésil, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou. Les participants de l’étude présentaient des proportions variables d’ascendance amérindienne, européenne et africaine, reflétant ainsi la diversité d’ascendance de la population latino-américaine de ces pays. Ces proportions variaient par ailleurs considérablement d’un individu à l’autre.

Il est ressorti de ces travaux qu’environ 30 % des participants possédaient l’une des variantes du gène SCN9A appelée D1908G. Environ 13 % des participants possédaient aussi les deux autres variantes du gène, V991L et M932L, qui ont tendance à être héritées ensemble.

On apprend également que les participants péruviens, qui avaient la plus forte proportion d’ascendance amérindienne parmi les pays étudiés, étaient plus susceptibles d’être porteurs de ces variants génétiques néandertaliens. À l’inverse, les participants brésiliens, qui avaient la plus faible proportion d’ascendance amérindienne, étaient moins susceptibles d’être porteurs de ces variants.

« Nous savons que les humains modernes et les Néandertaliens se sont croisés il y a environ 50 000 à 70 000 ans et que les humains modernes sont passés pour la première fois de l’Eurasie aux Amériques il y a 15 à 20 000 ans« , note le chercheur. « La fréquence élevée des variantes néandertaliennes chez les personnes d’ascendance amérindienne pourrait potentiellement s’expliquer par un scénario dans lequel les Néandertaliens porteurs de ces variantes se seraient reproduits avec les humains modernes qui ont finalement migré vers les Amériques« .

Une sensibilité accrue à la pression

Suite à ces analyses, les chercheurs ont effectué des tests de seuil de douleur sur plus de 1 600 volontaires en Colombie, dont 56 % de femmes qui avaient en moyenne 31 % d’ascendance amérindienne, 59 % d’ascendance européenne et 9,7 % d’ascendance africaine. Ces tests impliquaient une pression, de la chaleur ou du froid. Tous ces participants devaient demander aux chercheurs d’arrêter dès qu’ils ressentaient un inconfort. L’équipe a également analysé les variantes génétiques portées par chacun d’entre eux.

Concrètement, les tests de seuil de douleur ont révélé que les participants porteurs des variants génétiques néandertaliens avaient une sensibilité accrue à la douleur lorsqu’ils étaient soumis à des stimuli de pression. En revanche, les variants génétiques n’ont pas affecté la sensibilité à la douleur en réponse à des stimuli de chaleur ou de froid.

Les chercheurs spéculent que ces variants génétiques néandertaliens pourraient avoir conféré un avantage évolutif, mais ils n’ont pas pu estimer clairement s’il était directement lié à la sensibilité à la douleur. Les conditions difficiles rencontrées par les premiers humains modernes lors de leur migration en Amérique du Nord pourraient avoir été un facteur. L’évolution du gène SCN9A et les pressions évolutives qui ont agi sur lui sont probablement complexes. Davantage de recherches seront donc nécessaires pour comprendre pleinement comment ces variants ont évolué et quel rôle ils ont pu jouer dans l’adaptation des populations humaines.

Les détails de l’étude sont publiés dans Nature Communications.