Concevoir des adhésifs implique de trouver un équilibre entre deux propriétés contradictoires : la façon dont ils adhèrent et la facilité avec laquelle ils se décollent. En général, le fait de booster l’une de ces propriétés se fait au détriment de l’autre. Idéalement, il serait très intéressant de pouvoir compter sur un adhésif capable de résister aux forces de traction et de tension, mais pouvant être libéré à la demande pour corriger les erreurs ou lorsqu’un produit n’est plus utile. Des scientifiques japonais viennent de mettre au point une telle colle. Leurs travaux sont publiés dans la revue Advanced Functional Materials.
Les limitations des adhésifs préappliqués
L’invention des timbres postaux ayant un adhésif pouvant être activé sur demande aussi souvent que nécessaire a contribué de manière significative au développement du système postal au cours de la révolution industrielle britannique du 19e siècle. Cette approche novatrice aura en effet permis de faciliter la distribution des biens et la communication entre les populations éloignées. Depuis, divers types d’adhésifs préappliqués (ou PAA) ont été développés pour être activés à plusieurs reprises par des stimuli externes, tels que l’électricité, la chaleur et la lumière. Le concept est important dans divers domaines, tels que la médecine, les semi-conducteurs et les matériaux structuraux.
Par ailleurs, ces adhésifs pourraient potentiellement contribuer à une économie circulaire en fournissant les moyens de séparer et de recycler chaque composant d’un matériau structurel. Cependant, en tant que matériau structurel, un PAA a des limites inhérentes en termes d’applications pratiques. En effet, il ne peut pas satisfaire simultanément les exigences de robustesse et de réutilisabilité. Ces limitations sont exacerbées dans des conditions humides, car les interactions entre l’adhésif et le support sont facilement perturbées par l’eau.
De plus, pour réaliser une économie circulaire fermée, le substrat devrait être remis à son état vierge lorsqu’il n’est plus nécessaire, ce qui là encore n’était pas encore possible, ce qui nous ramène à ces nouveaux travaux. Des chercheurs japonais annoncent en effet avoir mis au point une nouvelle colle haute résistance pouvant être activée et désactivée à la demande.
Un matériau bio-inspiré
L’ingrédient clé derrière cette prouesse technique est l’acide caféique. Ce composé de la famille des acides phénoliques se retrouve naturellement dans de nombreux aliments, en particulier dans le café (d’où son nom), ainsi que dans d’autres plantes comme les fruits, les légumes et les céréales.
Nous savons également qu’il peut former et briser des liaisons croisées sous différentes longueurs d’onde de lumière. Ici, les chercheurs ont fabriqué un polymère contenant de l’acide caféique. Ils l’ont ensuite appliqué sur une surface avant de l’exposer à une lumière UV d’une longueur d’onde de 365 nanomètres. Cette approche a permis de le durcir en un film ferme capable de résister à température ambiante avec une force d’adhérence au cisaillement allant jusqu’à 7,2 MPa.
Lorsque cette adhérence n’est plus nécessaire, le film peut être exposé à une lumière UV de 254 nm qui rompt les réticulations et le ramène à son état d’origine. Ce faisant, il ne laisse aucun résidu sur la surface et ne perd aucune de ses propriétés adhésives, ce qui lui permet d’être réutilisé.
Autrement dit, cet adhésif se colle lorsqu’il est touché par une longueur d’onde de lumière, puis il se décompose avec une autre. Cela permet donc de l’enlever et de le réutiliser facilement.

Un adhésif haute performance
Les chercheurs ont soumis leur nouvel adhésif à une série de tests, notamment en pliant des échantillons à plusieurs reprises et en le faisant soulever un poids de 40 kg, ce qu’il a pu faire pendant 72 heures sans aucun signe de rupture. Les chercheurs l’ont également testé en passant de l’eau à haute pression à travers des tubes de silicium fissurés et réparés. Là encore, ils n’ont remarqué aucune fuite. Lors de tests de suivi, l’équipe a démontré qu’il pouvait même être utilisé sous l’eau.
De manière générale, ce matériau pourrait avoir une large gamme d’applications, permettant aux produits d’être plus facilement démontés en composants à la fin de leur durée de vie utile afin d’être convertis en nouveaux produits.