Comment les trilobites s’accouplaient il y a un demi milliard d’annĂ©es

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Crédits : Holly Sullivan

Les trilobites ne ressemblent peut-Ăªtre pas Ă  des crĂ©atures cĂ¢lines, mais nous savons dĂ©sormais qu’au moins une espèce de ces arthropodes utilisait de courts appendices comme fermoirs pour maintenir la femelle au moment de l’accouplement. Les dĂ©tails de l’Ă©tude sont publiĂ©s dans la revue Geology.

La vie amoureuse des trilobites

La reproduction sexuĂ©e reprĂ©sente un aspect fondamental de la biologie animale. Cependant, la diversitĂ© des stratĂ©gies de reproduction chez les mĂ©tazoaires du PalĂ©ozoĂ¯que ancien reste encore dĂ©battue. En effet, les preuves directes des stratĂ©gies de reproduction proviennent de masses d’Å“ufs exceptionnellement prĂ©servĂ©es chez les euarthropodes du Cambrien et de l’Ordovicien tels que les waptiidĂ©s et les trilobites, mais les adaptations anatomiques ou comportementales pour l’accouplement chez ces taxons sont largement inconnues.

Dans le cadre d’une Ă©tude, des chercheurs se sont intĂ©ressĂ©s Ă  une espèce de trilobites. Il s’agit d’anciennes crĂ©atures qui ressemblaient Ă  des punaises gĂ©antes et casquĂ©es. Ces invertĂ©brĂ©s blindĂ©s, dont les espèces se comptaient autrefois par milliers, ont prospĂ©rĂ© dans les ocĂ©ans pendant 270 millions d’annĂ©es, avant de finalement s’Ă©tendre il y a environ 252 millions d’annĂ©es durant l’extinction de la fin du Permien. Pour cette Ă©tude, les chercheurs ont analysĂ© plusieurs fossiles de l’espèce Olenoides serratus dĂ©couverts au dĂ©but des annĂ©es 1900. Ces animaux Ă©voluaient il y a environ 508 millions d’annĂ©es.

Les fossiles de trilobites prĂ©servent rarement les pattes. Seules 38 des 20 000 espèces connues proposent en effet des fossiles avec des appendices prĂ©servĂ©s. Ici, les chercheurs ont remarquĂ© la prĂ©sence d’une paire d’appendices plus courte au niveau de la section mĂ©diane de l’un des spĂ©cimens analysĂ©s.

Cette paire de jambes inhabituelle Ă©tait donc plus Ă©troite et plus courte que les paires de jambes situĂ©es Ă  l’avant et Ă  l’arrière. De plus, ces courts appendices n’avaient pas d’Ă©pines, des caractĂ©ristiques prĂ©sentes sur les autres pattes de cette espèce de trilobite. La question Ă©tait donc de savoir pourquoi un trilobite avait une paire d’appendices courts, minces et sans Ă©pines placĂ©s au niveau de sa section mĂ©diane.

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Le spĂ©cimen mĂ¢le adulte avec fermoirs (partie gauche et droite). CrĂ©dits : Sarah R. Losso

Des fermoirs pour se placer

Pour enquĂªter, les chercheurs ont comparĂ© les appendices d’O. serratus avec ceux d’arthropodes vivants. D’après les analyses, ces structures Ă©taient probablement des fermoirs.

Lors d’une sĂ©ance d’accouplement, il est probable que le mĂ¢le se plaçait au-dessus de la femelle, la tĂªte alignĂ©e avec le tronc de cette dernière (au-dessus et dĂ©calĂ© vers l’arrière). Les appendices du mĂ¢le s’alignaient alors avec deux paires d’Ă©pines qui dĂ©passaient de la queue de la femelle. D’après les auteurs, les fermoirs du mĂ¢le pouvaient donc s’agripper Ă  ces Ă©pines. Le rĂ´le de ces fermoirs Ă©tait alors de garantir que le mĂ¢le soit dans la bonne position lorsque les Å“ufs de la femelle Ă©taient libĂ©rĂ©s. De cette manière, cela augmentait les chances que son sperme fĂ©conde les ovules.

Un autre spĂ©cimen analysĂ© dans le cadre de cette Ă©tude n’avait de son cĂ´tĂ© aucun fermoir. Les chercheurs pensent qu’il s’agissait d’une femelle. Cette espèce en particulier avait donc un vĂ©ritable dimorphisme sexuel. Autrement dit, les mĂ¢les et les femelles avaient des caractĂ©ristiques diffĂ©rentes.

Cette stratĂ©gie d’accouplement des agrafes se voit aujourd’hui chez les limules ou crabes fer Ă  cheval qui sont très Ă©loignĂ©s des trilobites. Chez ces animaux, les mĂ¢les se disputent souvent les places pour accĂ©der au dos des femelles, se blessant et s’arrachant parfois les appendices au cours de ces affrontements. Il est possible que O. serratus ait Ă©tĂ© tout aussi compĂ©titif en matière d’accouplement.