Au cœur des Pyrénées de la péninsule ibérique, des chercheurs ont découvert de nouveaux aperçus fascinants du comportement des Néandertaliens. De l’art d’exploiter leur territoire à leur résilience face à des conditions climatiques rigoureuses, cet abri sous roche surnommé Abric Pizarro apporte un témoignage supplémentaire qui prouve que ces humains anciens souvent décrits comme primitifs étaient bien plus adaptables et ingénieux que nous ne le pensions autrefois. Et d’après des recherches publiées dans le Journal of Archaeological Science, ce refuge riche en artefacts permet d’en apprendre plus sur une période peu connue de l’évolution de cette espèce et laisse également entrevoir quelques indices pour mieux comprendre ce qui pourrait avoir conduit à la chute de Néandertal.
Un abri ayant appartenu à Néandertal sur une période clé
Néandertal (Homo neanderthalensis) est l’un de nos plus proches parents éteints. Cette espèce a vécu en Eurasie jusqu’à sa disparition il y a environ 40 000 ans. Dans certaines régions et périodes, ils ont coexisté avec les humains anatomiquement modernes et ont même croisé Homo Sapiens, notre propre espèce. Traditionnellement, le comportement des Néandertaliens était d’ailleurs considéré comme moins complexe que celui de l’Homo Sapiens préhistorique. Toutefois, au cours des dernières décennies, un nombre croissant de preuves sont venues remettre en question cette vision en dévoilant des aspects complexes et particulièrement diversifiés du comportement des Néandertaliens.
Cette étude, à paraître en septembre 2024, se concentre ici sur un site protégé par les roches appelé Abric Pizarro et situé à une altitude de plus de 600 mètres dans les contreforts des Pyrénées qui chevauchent la frontière entre la France et l’Espagne. Le site, fouillé pour la première fois il y a plus de dix ans, conserve des preuves d’une occupation néandertalienne datant d’une période connue sous le nom de MIS 4 qui a duré d’environ 71 000 à 57 000 ans. C’est une surprise pour la science, car il était jusqu’ici admis que les conditions étaient trop difficiles dans cette région pour permettre à Néandertal de s’y installer.
Ces fouilles sont surtout fondamentales puisque l’on ne sait pas grand-chose sur cette période de l’histoire des Néandertaliens, en grande partie en raison de la rareté des sites datant de cette époque sur le continent européen. Cela contraste avec le nombre élevé de sites datés des périodes précédentes et suivantes, respectivement connues sous le nom de MIS 5 et MIS 3. « Le nombre limité de sites MIS 4 a été attribué à une réduction de la population, ainsi qu’à une contraction et un déplacement de l’aire des habitats appropriés exploités par les populations néandertaliennes d’Europe occidentale, bien que d’autres facteurs, tels que la mauvaise conservation des sites de cette période, ne doivent pas être négligés », estiment les auteurs de l’étude.
Les artefacts de Néandertal, une fenêtre sur son comportement
Pour cette étude, l’équipe de recherche a analysé des milliers d’artefacts provenant du site, y compris des outils en pierre, des ossements d’animaux et d’autres restes qui apportent de nouveaux aperçus sur la vie des Néandertaliens qui y vivaient autrefois. Et d’après ces recherches, les Néandertaliens qui utilisaient ce refuge étaient des chasseurs habiles avec une connaissance approfondie du paysage environnant qu’ils exploitaient efficacement. Ils montraient également des signes de résilience exceptionnelle face à des conditions climatiques rigoureuses.
« Nos découvertes surprenantes à Abric Pizarro montrent à quel point les Néandertaliens étaient adaptables. Les ossements d’animaux que nous avons récupérés indiquent qu’ils exploitaient avec succès la faune environnante, chassant des cerfs élaphes, des chevaux et des bisons, mais aussi consommant des tortues d’eau douce et des lapins, ce qui implique un degré de planification rarement envisagé pour les Néandertaliens », relate la Dre Sofia Samper Carro, l’archéologue et autrice principale de l’étude de l’Australian National University.
Selon les auteurs, les résultats de l’étude remettent en outre en question les croyances largement répandues selon lesquelles les Néandertaliens ne chassaient que de gros animaux, tels que les chevaux et les rhinocéros. « À travers les ossements que nous trouvons, qui présentent des marques de découpe, nous avons une preuve directe que les Néandertaliens étaient capables de chasser de petits animaux », résume Samper Carro. « Les ossements de ce site sont très bien conservés et nous pouvons voir des marques indiquant comment les Néandertaliens traitaient et découpaient ces animaux. Notre analyse des artefacts lithiques démontre également une variabilité dans le type d’outils produits, indiquant la capacité des Néandertaliens à exploiter les ressources disponibles dans la région. »
Une étude importante pour mieux comprendre la trajectoire prise par l’espèce en Espagne
Des sites comme Abric Pizarro datant du MIS 4 indiquent en effet que les Néandertaliens prospéraient alors que les humains modernes n’étaient pas encore arrivés dans la région. « Le site unique d’Abric Pizarro donne un aperçu du comportement des Néandertaliens dans un paysage qu’ils parcouraient depuis des centaines de milliers d’années », résume Samper Carro.
Or, « les Néandertaliens ont disparu il y a environ 40 000 ans. Soudainement, nous, les humains modernes, apparaissons dans cette région des Pyrénées et les Néandertaliens disparaissent. Mais avant cela, les Néandertaliens vivaient en Europe depuis près de 300 000 ans. Ils savaient clairement ce qu’ils faisaient. Ils connaissaient la région et savaient comment survivre pendant longtemps. C’est l’un des aspects les plus intéressants de ce site, d’avoir ces informations uniques sur le moment où les Néandertaliens étaient seuls et vivaient dans des conditions difficiles et comment ils prospéraient avant l’apparition des humains modernes », ajoute la chercheuse.
Mieux comprendre les stratégies de survie des Néandertaliens pourrait finalement aider à éclairer le mystère de la manière dont ils ont été conduits à l’extinction même si des facteurs bien connus tels que la consanguinité (accompagnée de problèmes génétiques) et des maladies ont aussi joué un rôle dans la disparition des Néandertaliens ainsi que le fait qu’ils aient été ‘absorbés’.
Consultez l’étude ici.