Il y a quatre ans, des chercheurs sont tombés sur une scène étonnante et inattendue en sondant le littoral du sud-ouest : des abeilles momifiées dans des sarcophages souterrains depuis près de 3 000 ans.
Une découverte exceptionnelle
Les abeilles du groupe Eucera appartiennent à la famille des Apidae. Retrouvées principalement en Europe et en Asie où elles jouent un rôle important dans la pollinisation de nombreuses plantes à fleurs sauvages et cultivées, ces abeilles ont un mode de vie solitaire. Cela signifie qu’elles ne forment pas de colonies comme les abeilles sociales. Chaque femelle creuse son propre nid dans le sol où elle dépose ses œufs dans des cellules remplies de pollen et de nectar. Une fois les œufs éclos, les larves peuvent se nourrir jusqu’à leur développement complet.
Une équipe dirigée par Carlos Neto de Carvalho, paléontologue et coordinateur scientifique au Naturtejo UNESCO Global Geopark, a récemment identifié des dizaines de ces abeilles encore dans leur cocon alors qu’elle passait au peigne fin le littoral du sud-ouest du Portugal. D’après son étude publiée dans la revue Papers in Palaeontology, tous ces insectes seraient morts en même temps il y a près de 3 000 ans.
Identifier des abeilles fossilisées est assez rare. Leur exosquelette est en effet composé de chitine, un biopolymère semblable à la cellulose qui se décompose rapidement après la mort de l’animal. Ici, les cocons découverts étaient doublés et scellés avec un fil semblable à de la soie produit par la mère. Ce fil, un polymère organique imperméable, aura permis de préserver les petites abeilles en formation contenues à l’intérieur en protégeant leur délicate chitine de l’activité bactérienne et de la décomposition. Enfermées dans leurs cocons, les abeilles se sont ensuite momifiées au fil du temps, préservant ainsi leur forme corporelle et leurs traits distinctifs.
Une disparition brutale
Pour les étudier, les chercheurs ont utilisé une technique connue sous le nom de tomographie micro-informatique à rayons X. Concrètement, cela consiste à projeter un faisceau de rayons X à travers l’échantillon à imager. De l’autre côté, un détecteur les réceptionne après qu’ils aient traversé la matière. Le détecteur mesure l’intensité du rayonnement qui atteint chaque point de l’échantillon. En le faisant ainsi tourner et en analysant toutes ces données, les chercheurs peuvent ainsi obtenir une reconstitution en trois dimensions de l’intérieur de l’échantillon sans y toucher.
Les chercheurs pensent que ces abeilles ont probablement rencontré une fin brutale. Nous pourrions imaginer une inondation ou une sécheresse prolongée qui aurait pu limiter l’approvisionnement alimentaire. Cependant, le pollen stocké à l’intérieur des cellules montre que ces abeilles ne sont pas mortes de faim. Leur hypothèse tend plutôt vers une chute soudaine des températures, probablement au début du printemps, ce qui aurait eu pour effet de geler le sol.