Dans le repaire des animaux eusociaux, des espèces qui vivent en colonies avec une organisation sociale divisée en castes d’individus fertiles (chargés de la reproduction) et non fertiles (chargés de nourrir et protéger leurs compères), les nids contiennent des œufs, des larves et de nombreux individus prisés par les prédateurs et les parasites. Les différentes espèces doivent donc redoubler d’inventivité pour se protéger en développant des techniques défensives parfois insolites. Et d’après une étude publiée dans Ecology le 8 juillet 2024, les abeilles japonaises (Apis cerana japonica) utilisent une méthode musclée pour se débarrasser des intrus avec un coup d’aile puissant qui envoie voltiger plus loin les indésirables.
Quand l’abeille japonaise gifle les fourmis envahissantes
En 1997, puis en 2015, des chercheurs avaient déjà observé cette propension étonnante à gifler des fourmis envahissantes chez les abeilles japonaises. Toutefois, une étude signée de l’Institut national d’études environnementales (NIES) au Japon s’attarde pour la première fois plus en détail sur ce comportement de défense particulièrement complexe. Dans leur étude, les chercheurs rapportent en effet avoir utilisé des caméras à grande vitesse afin de filmer ces interactions entre les insectes pollinisateurs et les fourmis, ici en quête de miel à l’intérieur des nids. Les scientifiques ont ainsi pu découvrir que les abeilles gardiennes postées à l’entrée du nid peuvent non seulement les attaquer avec leur dard, mais aussi utiliser la technique efficace du claquement d’ailes pour les projeter loin du nid.
Munis de ces enregistrements en haute résolution, les chercheurs ont ensuite pu passer les images au ralenti pour mieux comprendre cette tactique défensive plutôt radicale. Ils ont ainsi pu étudier la précision chirurgicale et la vitesse avec lesquelles les abeilles effectuent une rotation et une inclinaison de leur corps, puis utilisent une ou deux ailes et la pression du vent afin de gifler les fourmis un peu trop gourmandes loin de la ruche, un peu comme des joueuses de tennis qui renvoient violemment la balle.
Une méthode qui fait généralement mouche pour ces abeilles
Surtout, l’équipe de recherche a pu mener plusieurs expériences en introduisant plusieurs espèces de fourmis de différentes corpulences afin de mieux analyser les réponses défensives de la ruche. Ils ont ainsi pu découvrir que les insectes ajustent cette technique pour réussir à mieux claquer les fourmis en fonction de leur taille, mais aussi du type d’espèce.
Par exemple, chasser des espèces plus rapides et volumineuses telles que la fourmi des bois (Formica japonica) représentait une difficulté supplémentaire pour les abeilles qui n’arrivaient pas toujours à éloigner les intruses avec succès, ces dernières réussissant assez facilement à esquiver les coups. En revanche, le claquement d’aile réussissait à repousser les fourmis sans reine (Pristomyrmex punctatus) ainsi que les fourmis des trottoirs (Tetramorium tsushimae) avec bien plus de facilité grâce à leur plus petite taille.
Juste une défense parmi de nombreuses autres chez ces abeilles
Les abeilles japonaises ne reculent devant rien pour défendre leur nid. En octobre 2014, les médias scientifiques parlaient notamment d’une méthode défensive extraordinaire utilisée par ces animaux. Parfois, il arrive en effet que le frelon géant japonais (Vespa mandarinia japonica) s’attaque à leur nid. Une fois à l’intérieur, il peut tuer une quarantaine d’individus en une minute et décimer toute la colonie s’il est accompagné d’un petit groupe. Toutefois, comme le montre cette vidéo, il a été découvert que ces abeilles ont réussi à s’adapter pour survivre. Pour ce faire, elles s’attaquent à l’intrus à plusieurs pour l’encercler et former une boule compacte d’une centaine d’insectes qui vibrent tous en cœur pour cuire le frelon à mort en augmentant leur température collective jusqu’à plus de 47 °C, soit suffisamment pour anéantir ce prédateur qui meurt au-delà de 46 °C.
D’autres approches moins impressionnantes impliquent aussi de construire des murs avec des excréments d’animaux pour repousser les indésirables ou encore de battre des ailes très rapidement pour faire s’envoler les intrus au loin ou au moins créer de la confusion chez les attaquants. Selon les chercheurs, la méthode du coup d’aile pourrait cependant être favorisée, car elle requiert moins d’efforts que les simples battements d’ailes. Ils postulent donc que les abeilles pourraient avoir évolué pour adopter cette stratégie bien moins coûteuse énergétiquement.
Une vidéo pour faire connaître ces recherches
Inspirés par ce comportement insolite, les scientifiques ont en tout cas proposé une vidéo pour mettre en scène ce comportement et promouvoir leur recherche, le tout accompagné par la musique du guitariste Miyavi, bien connu justement pour jouer en utilisant le ‘slapping’, une méthode utilisée avec les instruments à cordes (notamment la guitare et la contrebasse) pour produire un jeu percussif qui fait ici parfaitement écho aux slaps (claques) des insectes.
Retrouvez l’étude en détail ici.