À la recherche des origines de l’Homme dans une savane bulgare

Montage Sciencepost / Crédits : Wolfgang Gerber, Université de Tübingen

Il y a 7 millions d’années, les champs de tournesol et de maïs au sud de la Bulgarie formaient comme une savane africaine, habitée par des gazelles et des girafes. Aussi étrange que cela soit, apparemment, le sud de la Bulgarie aurait aussi été le berceau de l’humanité ! Si cette théorie se vérifie, elle agirait comme un coup de tonnerre qui pourrait bouleverser nos acquis sur l’évolution humaine, car une grande partie des scientifiques continuent de penser que l’espèce humaine a vu le jour en Afrique. Une petite équipe de chercheurs en partenariat avec l’Université allemande de Tübingen espère trouver des preuves d’origine humaine en Bulgarie en récupérant des fossiles dans de l’argile d’un lit de rivière desséché près du village de Rupkite.

Tout a commencé en 2002, lorsque le petit-fils du paléontologue amateur Petar Popdimitrov, a trouvé un fossile ressemblant à une dent fossilisée à 3 racines. « L’ensemble était de couleur bleu-grisâtre. Le fossile avait l’air très endommagé. Nous avons d’abord pensé que c’était un animal. », déclare Popdimitrov. « Mais mon beau-fils, qui est dentiste, a déclaré que cette dent pouvait être humaine. » La découverte pourrait être tout simplement capitale, prouvant potentiellement que les humains ont divergé des singes non en Afrique, mais en Méditerranée orientale.

Voici la dent humaine découverte en Bulgarie qui pourrait nous en apprendre énormément sur les origines de notre espèce/Crédits : Wolfgang Gerber, Université de Tübingen

En 2007, Popdimitrov montre la dent au professeur Nikolai Spassov, du Muséum national d’histoire naturelle de Bulgarie, et à Denis Geraads, du Muséum d’histoire naturelle de Paris. Dix ans plus tard, une équipe dirigée par Spassov et Madelaine Boehme, de l’Université de Tübingen, avance la théorie selon laquelle la dent correspond à une mâchoire trouvée près d’Athènes en 1944. En réalisant de nouvelles études sur la mâchoire (qui a été découverte par des soldats allemands creusant un bunker durant la Seconde Guerre mondiale) sur la dent et sur la faune bulgare, les chercheurs ont proposé une théorie audacieuse et controversée.

La mâchoire trouvée en Grèce. La dent trouvée précédemment appartiendrait à cette mâchoire/Crédits : Wolfgang Gerber, Université de Tübingen

Ils proposent que les deux échantillons, la dent et la mâchoire proviennent d’une espèce appelée Grécopithèque (Graecopithecus), un Homininé (terme collectif qui regroupe humains et notre ligne directe d’ancêtres non-singes). Selon les chercheurs, le Grécopithèque aurait migré vers l’Afrique plus tard. Auparavant, il avait été supposé que le plus ancien homininé potentiel était le Sahelanthropus qui avait été trouvé au Tchad en 2001 et datant de 7 millions d’années. « Nous pensons désormais que le plus ancien est le Grécopithèque trouvé en Grèce et en Bulgarie parce que nos deux découvertes sont plus âgées de centaines d’années », ajoute Spassov.

Le Grécopithèque mâle aurait pesé environ quarante kilogrammes, le même poids qu’un chimpanzé femelle moderne. Il aurait eu une mâchoire massive, puissante, capable de mâcher les écorces d’arbres et les châtaignes. « Nous pouvons également supposer qu’il se tenait debout. », déclare Spassov. La théorie de Spassov a cependant été largement critiquée dans le milieu scientifique pour manque de preuves. C’est cet argument qui motive Spassov et son équipe à rechercher de nouvelles preuves pour appuyer cette hypothèse.

« C’est pourquoi nous sommes ici. Pour rechercher n’importe quelle partie d’un squelette, de préférence un os du bassin, de la hanche, de la mâchoire ou du crâne. Cela nous permettra de cimenter notre théorie, d’en dire beaucoup plus sur nos ancêtres potentiels », propose le chercheur bulgare.

Le manque de budget pour la recherche dans le pays le plus pauvre de l’Union européenne limite les fouilles de l’équipe scientifique en seulement huit jours cet été. Mais le déterrement de centaines de fossiles qui seront nettoyés et analysés permettra de savoir si le Grécopithèque provenait bien de Bulgarie. D’autres fouilles en Grèce et en Macédoine devraient débuter en septembre.