À quoi l’enclume des cumulonimbus doit-elle son existence ?

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Crédits : Wikimedia Commons.

Une des caractéristiques les plus marquantes du cumulonimbus – que l’on surnomme souvent le roi des nuages – est son enclume. Cette dernière fait en quelque sorte office de couronne à un roi pour le moins colérique. Mais à quoi doit-elle son existence ? 

L’enclume (incus en latin) tire son nom de la forme que prend le sommet d’un cumulonimbus lorsqu’il atteint un stade de développement suffisant – rappelant l’outil du forgeron. Elle est essentiellement constituée de cristaux de glace et peut persister jusqu’à plusieurs heures après la dissipation de la colonne convective. On parle alors d’enclume orpheline.

L’altitude du sommet d’un nuage d’orage varie beaucoup suivant le lieu et la période de l’année – entre 8 et 18 kilomètres en général. Dans de rares cas, elle peut dépasser les 20 kilomètres.

Un couvercle imperceptible 

À partir d’un moment, le nuage convectif ayant pris une grande ampleur cesse de se développer verticalement et commence à s’étaler latéralement. Pourquoi ?

Cette tendance est flagrante lorsque l’on visualise un time-lapse. En effet, le panache nuageux semble buter sur un couvercle. Et pour cause. Si ce dernier n’est pas perceptible à l’œil nu, le nuage, lui, le ressent bel et bien. Pour comprendre, il faut revenir au mécanisme de base qui explique le développement des ascendances convectives.

Lorsque l’atmosphère est instable du point de vue de la flottabilité, une particule d’air déplacée verticalement tendra à devenir plus légère – chaude – que son environnement. Elle va donc accélérer dans le sens du déplacement initial, c’est-à-dire s’éloigner toujours plus de sa position de départ. Une telle configuration permet la formation de vigoureux mouvements verticaux d’échelle aérologique.

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Vue rapprochée d’une enclume, capturée à Amsterdam aux Pays-Bas. Crédits : Wikimedia Commons.

Dans l’atmosphère, cette instabilité dépend très fortement de la chaleur latente libérée par la condensation de l’eau. Ainsi, sur Terre, les mouvements convectifs qui s’étendent profondément dans la troposphère sont toujours humides – i.e. liés à de gros cumulus ou cumulonimbus.

La tropopause : une inversion thermique d’échelle planétaire

Tant que les parcelles d’air restent plus légères que leur environnement, elles continueront à se déplacer vers le haut. En conséquence, le sommet du nuage prendra de plus en plus de hauteur.

Toutefois, ce développement vertical finira tôt ou tard par s’arrêter. En effet, à partir d’une dizaine de kilomètres au-dessus du sol, la température cesse de décroître avec l’altitude et se met même à augmenter. La tropopause balise cette rupture fondamentale dans le profil vertical. Les parcelles qui s’élèvent finiront donc par devenir plus froides que leur environnement en s’approchant de cette zone de transition entre la troposphère et la stratosphère. Le mouvement vers le haut s’estompe alors.

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Cumulonimbus avec sommet protubérant. Crédits : Wikimedia Commons.

Étant donné le flux continu de nouvelles parcelles arrivant par-dessous et le fait que l’air ne peut pas s’accumuler sur place, le fluide est forcé de s’échapper latéralement. L’enclume du cumulonimbus prend forme. Notons tout de même que, par inertie, les plus fortes ascendances peuvent temporairement s’aventurer dans cette zone stable. Il se forme alors ce que l’on appelle un sommet protubérant – un bouillonnement convectif qui perce localement l’enclume.

En conclusion, le couvercle qui limite l’extension verticale du roi des nuages a été mis en évidence. Il prend la forme d’une inversion de température d’échelle planétaire. Le cumulonimbus a beau être le roi des nuages, il y a certaines résistances qui ne tombent pas !

Source : HOUZE Jr. Robert A., Cloud Dynamics, 2014.

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