À quoi doit-on l’exceptionnelle douceur de cet hiver ?

hiver anomalie
Crédits : https://www.karstenhaustein.com/.

L’hiver météorologique (DJF) arrive bientôt à son terme et le bilan est sans appel : il a été exceptionnellement doux. Pas seulement en France, mais à l’échelle de toute l’Europe et même au-delà. En cause, une situation météorologique bloquée dans un mode très défavorable à l’arrivée d’air froid sur le continent. 

Depuis début décembre, de nombreux records de douceur sont tombés et plusieurs pays sont en passe de concrétiser leur hiver le plus chaud depuis le début des mesures. En France, 2019-2020 pourrait détrôner de peu le précédent record établi en 2015-2016. Une réalité qui se ressent entre autres par le manque de neige dans certaines stations de Ski.

Une vigoureuse ceinture de vents d’ouest

Les cartes d’anomalies de température près du sol montrent une vaste plage excédentaire depuis l’Europe de l’ouest jusqu’à l’est de la Russie. Cette structure signe une intrusion profonde et récurrente du flux d’ouest sur le continent, véhiculant douceur et humidité en provenance de l’océan Atlantique. Pour les pays les plus à l’est et au nord, un tel régime induit un important déficit de neige et d’inversions thermiques. Le supplément de réchauffement qui en résulte explique la plus forte intensité des anomalies sur ces zones.

anomalie température hiver
Anomalie de température à 2 mètres entre le 1 décembre 2019 et le 20 février 2020. Plus précisément, les écarts sont donnés par rapport à la normale 1981-2010. En outre, notez l’orientation de la carte avec l’Europe à l’est/nord-est du centre. Crédits : ESRL / NOAA.

Cette organisation particulière des mouvements atmosphériques peut être diagnostiquée par deux indices bien connus des météorologues. Il s’agit de l’oscillation nord-atlantique (NAO en anglais) et de l’oscillation arctique (AO en anglais). Si le premier indice porte un regard restreint au secteur euro-atlantique, le second permet une vision d’échelle hémisphérique.

Plus les valeurs de NAO/AO sont positives, plus la différence de pression entre les latitudes subtropicales et subpolaires est importante. Autrement dit, plus le flux d’ouest aux moyennes latitudes est puissant. Dans cette configuration, l’air froid est stabilisé au niveau du pôle et s’échappe difficilement vers les latitudes plus méridionales.

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Comme précédemment, mais pour les vents d’ouest. Plus précisément, les couleurs chaudes traduisent un vent d’ouest anormalement fort et inversement pour les couleurs froides. En particulier, notez la zone d’excédents qui ceinture nos latitudes. Elle possède en contrepartie une zone de déficit marqué plus au sud. C’est-à-dire, des vents à composante est anormalement forts. Crédits : ESRL / NOAA.

Or, durant la quasi-totalité de l’hiver 2019-2020, les deux indices sont restés bloqués dans une phase très positive. L’AO a même atteint un record absolu avec une pointe à 6,34 le 10 février et à nouveau 6,19 le 22, supplantant le précédent record de 5,91 du 26 février 1990. Ces fluctuations de la circulation de grande échelle surviennent de manière naturelle dans le système climatique.

Douceur exceptionnelle : quelle influence du réchauffement climatique ? 

La tentation peut être grande de faire un parallèle direct avec le réchauffement anthropique et d’y voir une manifestation brutale de l’urgence climatique. Un réflexe dont il faut se méfier car, à l’échelle d’un tel extrême, l’essentiel de l’explication tient à la configuration météorologique dite basse fréquence (i.e. de quelques semaines à quelques mois).

Le changement climatique arrive en fait comme un facteur aggravant qui augmente le risque de présence des extrêmes chauds. Et c’est bien cet aspect contextuel, plus lent mais plus global et organisé qui fait l’urgence. Les sursauts météos, s’ils sont souvent le lieu d’une certaine prise de conscience, ne doivent pas nous détourner de cette considération essentielle.

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