métal cadmium
Crédits : Alchemist-hp / Wikipedia

900 millions de personnes menacées : la pollution des sols aux métaux lourds dépasse tout ce qu’on imaginait (y compris en Europe)

Une récente méta analyse laisse penser que plusieurs centaines de millions d’hectares de sols en Europe et en Asie dépassent les limites sanitaires relatives à la pollution aux métaux lourds. Selon les chercheurs, ceci pourrait représenter un marqueur de l’Anthropocène, ère géologique durant laquelle l’impact de l’activité humaine sur la planète est prédominant.

Cartographier la pollution globale aux métaux lourds

En ce qui concerne la pollution des sols, la plupart des études s’intéressent aux microplastiques, aux pesticides et aux PFAS, entre autres. Toutefois, une autre forme de pollution menace les sols et plus particularisent les sols agricoles : les métaux lourds, notamment l’arsenic, le cadmium, le cobalt, le chrome, le cuivre, le nickel et le plomb. Or, ces métaux sont au cœur d’une étude publiée dans la revue Science le 17 avril 2025.

Les chercheurs de l’Université Tsinghua à Pékin (Chine) ont repris les données de 1 493 études portant sur des échantillons de couches supérieures de sol provenant des quatre coins du monde. L’objectif ? Cartographier l’étendue de la pollution des sols aux métaux lourds. Les scientifiques ont également eu recours à un modèle d’apprentissage automatique afin de prendre en compte diverses conditions climatiques, topographiques et socioéconomiques.

Un « corridor » fortement contaminé aux métaux

Le document montre que 14 à 17 % des sols agricoles mondiaux abritent aux moins un métal dépassant les limites les plus basses pour une agriculture saine. Le métal le plus prédominant est le cadmium, que l’on utilise principalement comme revêtement anticorrosion pour d’autres métaux tels que l’acier. Par ailleurs, pas moins de 6,8 % de la surface terrestre présentent au moins un métal dépassant les limites les plus basses pour la santé humaine ou l’environnement. Selon les auteurs de l’étude, entre 900 millions et 1,4 milliard de personnes vivent dans des régions à risque de contamination toxique aux métaux lourds.

Par ailleurs, les régions du monde les plus à risque sont le nord de l’Inde, le sud de la Chine ainsi que le Moyen-Orient. Cependant, la carte que les chercheurs ont élaboré montre la présence d’un « corridor fortement contaminé aux métaux » (voir ci-après) allant du sud de la Chine à l’Europe, cette dernière visiblement impactée dans le nord de l’Italie, les Balkans, la Grèce et la Turquie.

carte pollution métaux lourds
Crédits : Hou et al., Science., 2025

Un indicateur-clé de l’Anthropocène ?

Pour les auteurs, trois facteurs viennent expliquer la présence de ce phénomène. Dans un premier temps, il est possible de citer les phénomènes naturels – feux de foret, tempêtes et autres – transportant ces métaux. Viennent ensuite certaines conditions favorables à leur présence : fortes précipitations, températures plus élevées, érosion des sols plats limités par d’importants reliefs ou encore, une plus intense évapotranspiration des plantes. Le troisième facteur concerne sans surprise les activités humaines tels que la raffinage de minerais, la pollution industrielle dite moderne et évidemment, l’irrigation pour l’agriculture.

Enfin, l’étude laisse penser que ce phénomène pourrait être un indicateur-clé de l’Anthropocène, dans la mesure où les métaux ne sont pas biodégradables. En effet, le corridor de la pollution des sols aux métaux lourds coïncide avec la distribution géographique d’anciennes cultures antiques de l’âge du Bronze, à savoir les civilisations perse, romaine, grecque, indienne et chinoise.

Yohan Demeure

Rédigé par Yohan Demeure

Licencié en géographie, j’aime intégrer dans mes recherches une dimension humaine. Passionné par l’Asie, les voyages, le cinéma et la musique, j’espère attirer votre attention sur des sujets intéressants.