Crédit image : Schmidt Ocean Institute

50 ans après leur déversement, ces barils révèlent un poison inattendu au fond de l’océan

Entre les années 1930 et 1970, des milliers de tonnes de produits chimiques ont été déversées au large de Los Angeles. Pendant des décennies, ces barils mystérieux ont posé un grave problème environnemental. On croyait à l’origine qu’ils contenaient principalement du DDT, un pesticide cancérigène bien connu. Mais des recherches récentes révèlent que le véritable contenu de ces barils pourrait être encore plus surprenant et inquiétant.

La découverte d’un mystère chimique

Pendant longtemps, les scientifiques ont observé des halos blanchâtres autour de certains barils sous-marins, mais sans comprendre leur origine. Les chercheurs ont pensé initialement que ces halos étaient liés au DDT, connu pour sa toxicité et sa persistance dans l’environnement. Pourtant, lorsqu’une équipe à bord du navire de recherche Falkor du Schmidt Ocean Institute a commencé à prélever des échantillons à l’aide du véhicule télécommandé SuBastian, les résultats ont surpris tout le monde.

Les prélèvements de sédiments autour des barils ont montré que les niveaux de DDT n’augmentaient pas à proximité des fûts, ce qui écartait cette substance comme cause principale de la contamination. Une autre hypothèse a rapidement émergé : les halos seraient liés à un autre type de déchet chimique.

Une pollution alcaline insoupçonnée

L’analyse des échantillons a révélé un pH extrêmement élevé, proche de 12, indiquant la présence de déchets alcalins hautement caustiques. Contrairement au DDT, ces substances réagissent violemment avec l’eau de mer, produisant de la brucite et transformant les sédiments environnants en une matière quasi cimentaire. Ces réactions ont créé les halos observés et des dépôts de carbonate de calcium.

Les chercheurs ont également découvert que la diversité microbienne autour des barils était très faible, avec uniquement des microbes extrêmophiles capables de survivre dans des conditions hostiles, semblables à celles des sources hydrothermales. Cette altération biologique montre que l’impact de ces déchets persiste depuis plus d’un demi-siècle, affectant les écosystèmes marins locaux.

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Paul Jensen et Johanna Gutleben de l’Institution océanographique Scripps de l’Université de Californie à San Diego déchargent et trient des carottes de sédiments après que les échantillons ont été ramenés à la surface à partir de sites de déversement connus. Crédit image : Schmidt Ocean Institute

Une réévaluation de l’impact environnemental

La découverte que les barils contiennent des déchets alcalins et non seulement du DDT change radicalement la compréhension de cette catastrophe environnementale. Selon Johanna Gutleben, première auteure de l’étude, ces substances étaient jusqu’ici largement ignorées. Le déversement de produits alcalins représente un nouveau type de pollution persistante dans les fonds marins, tout aussi préoccupante que celle causée par les pesticides classiques.

Paul Jensen, microbiologiste marin, souligne que ces déchets ne se diluent pas comme on pourrait s’y attendre. Au contraire, ils restent concentrés et continuent de modifier la composition chimique et biologique des sédiments, révélant l’importance de surveiller tous les types de polluants déversés dans l’océan.

Des leçons pour l’avenir

Cette étude montre que l’on ne peut se fier aux seules hypothèses historiques pour évaluer les conséquences d’anciennes pratiques industrielles. Les barils déversés au large de Los Angeles constituent un exemple frappant des effets à long terme de la pollution chimique, et suggèrent que d’autres zones marines pourraient receler des dangers similaires encore non identifiés.

Pour les chercheurs et les autorités environnementales, il s’agit désormais de cartographier et de comprendre la composition de ces déchets, afin d’évaluer pleinement leur impact écologique et de planifier d’éventuelles interventions. L’étude met également en lumière l’importance des technologies modernes d’exploration sous-marine, comme les véhicules télécommandés, qui permettent d’obtenir des données précises sur des sites difficiles d’accès.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue PNAS Nexus.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.