bateau INEOS Energy CO₂
Crédits : Jezperklauzen/istock

400 000 tonnes de CO₂ vont disparaître sous la mer chaque année (et c’est une excellente nouvelle)

C’est un géant des mers au service du climat. Mercredi 14 mai, aux Pays-Bas, l’Europe a franchi une étape symbolique (et technique) dans sa lutte contre le réchauffement climatique : le lancement de son tout premier navire dédié au transport offshore de dioxyde de carbone (CO₂). Conçu pour déplacer près de 400 000 tonnes de CO₂ liquéfié chaque année, ce cargo pas comme les autres incarne une ambition grandissante : capter les émissions industrielles à terre… pour mieux les stocker sous la mer.

Le navire, fruit d’une collaboration entre le groupe énergétique INEOS et l’opérateur maritime néerlandais Wagenborg Offshore, est un maillon essentiel du projet Greensand, une initiative danoise qui vise à créer la première chaîne complète de capture et de stockage du carbone (CCS) à grande échelle de l’Union européenne. Sa mission : acheminer du CO₂ capté dans des installations industrielles vers un ancien champ pétrolier en mer du Nord, où le gaz sera injecté à près de 1 800 mètres sous le plancher océanique.

Une technologie ambitieuse pour un problème urgent

Le principe est simple sur le papier, mais complexe en pratique : plutôt que de relâcher les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il s’agit de les piéger, de les liquéfier, puis de les transporter par bateau jusqu’à des réservoirs géologiques stables, capables de les contenir pendant des millénaires. C’est là qu’intervient ce nouveau navire, spécifiquement conçu pour transporter du CO₂ sous pression et à basse température, dans le respect de normes environnementales strictes.

Un peu moins médiatique que les éoliennes ou les panneaux solaires, le captage et stockage du carbone est pourtant de plus en plus considéré comme un outil incontournable de la décarbonation, notamment pour les secteurs industriels difficiles à électrifier, comme le ciment, la chimie ou l’acier.

Sous la mer, une ancienne réserve de pétrole

La destination finale du CO₂ capté sera la plateforme Nini West, au large du Danemark. Cette structure désaffectée, autrefois utilisée pour l’extraction d’hydrocarbures, va connaître une seconde vie. Son sous-sol, constitué de formations géologiques étanches, est considéré comme idéal pour accueillir ce gaz désormais indésirable.

Dès 2025, Greensand prévoit de stocker jusqu’à 400 000 tonnes de CO₂ par an – l’équivalent des émissions annuelles de près de 80 000 voitures – avant de monter progressivement en puissance pour atteindre 8 millions de tonnes par an d’ici 2030. Pour cela, plus d’une centaine de millions d’euros d’investissements sont mobilisés.

bateau INEOS Energy CO₂
Crédits : INEOS Energy

L’Europe mise sur le CO₂ offshore

Avec ce navire, l’Europe rejoint le club très fermé des régions capables de mettre en œuvre une chaîne complète de capture, transport et enfouissement du carbone. Une technologie qui suscite à la fois espoirs et débats. Pour ses promoteurs, c’est un outil précieux pour réduire rapidement les émissions industrielles. Pour ses détracteurs, elle risque de servir de « permis de polluer » si elle détourne les efforts de transition vers des énergies plus propres.

Mais pour les ingénieurs qui ont construit ce navire aux Pays-Bas, la mission est claire. « Ce projet prouve que l’industrie maritime européenne peut jouer un rôle clé dans la transition énergétique », a déclaré Edwin de Vries, directeur de Wagenborg Offshore. INEOS, de son côté, espère que cette technologie servira de modèle pour d’autres projets en Europe.

Si tout se passe comme prévu, le navire devrait effectuer ses premiers trajets commerciaux à la fin 2025. D’ici là, l’Europe continuera d’explorer une question cruciale : jusqu’où faut-il aller sous la mer… pour réduire ce qui se passe dans le ciel ?

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.