Les métapixels de l'écran correspondent étroitement au nombre de photorécepteurs de l'œil humain. Crédits : DALL-E

25 000 pixels par pouce sur un écran de la taille d’une pupille… Vous ne distinguerez plus le réel du virtuel

La course à la résolution vient de franchir un seuil que personne ne pourra jamais dépasser : celui de la perception humaine elle-même. Des chercheurs suédois ont développé un écran de la taille d’une pupille capable d’afficher 25 000 pixels par pouce, atteignant une définition où chaque pixel correspond à un seul photorécepteur de la rétine. Au-delà, l’amélioration devient physiologiquement impossible à distinguer. Cette invention baptisée « papier électronique rétinien » promet de transformer radicalement notre rapport à la réalité virtuelle et aux interfaces visuelles.

Le mur technologique des écrans miniatures

Depuis des années, l’industrie de l’affichage poursuit une quête apparemment sans fin vers des résolutions toujours plus élevées. Nos smartphones, téléviseurs et écrans de stade affichent désormais des images d’une netteté stupéfiante. Pourtant, cette progression linéaire se heurte à un obstacle majeur lorsqu’il s’agit de miniaturiser les écrans pour des applications comme la réalité virtuelle.

Le problème est essentiellement physique. Plus un écran se rapproche de l’œil, plus ses pixels doivent rétrécir pour maintenir une résolution perceptible. Mais les technologies actuelles, notamment les micro-LED, atteignent rapidement leurs limites. Lorsque la largeur d’un pixel descend en dessous du micromètre, les performances s’effondrent brutalement : les couleurs bavent, l’uniformité disparaît, et l’image perd sa clarté.

Cette contrainte technique représentait jusqu’ici un plafond infranchissable pour le développement de casques de réalité virtuelle véritablement immersifs. Les utilisateurs continuent de percevoir la structure en grille des pixels, cet effet de « porte moustiquaire » qui rappelle constamment qu’ils observent un écran artificiel.

Des métapixels inspirés par la nature

Face à cette impasse, l’équipe collaborative des universités de Chalmers, Göteborg et Uppsala a adopté une approche radicalement différente. Plutôt que de perfectionner les pixels conventionnels, ils ont inventé un concept entièrement nouveau : les métapixels.

Ces éléments d’affichage révolutionnaires exploitent les propriétés remarquables de l’oxyde de tungstène, un matériau capable de basculer entre un état isolant et un état métallique sous l’influence d’un courant électrique. Cette transformation modifie la façon dont le matériau réfléchit la lumière, produisant différentes couleurs selon la taille et l’agencement des structures.

Le principe rappelle étrangement celui des plumes d’oiseaux aux couleurs iridescentes, dont les teintes varient selon l’angle d’observation sans nécessiter de pigments. Cette approche biomimétique élimine d’emblée le principal handicap des pixels traditionnels : leur besoin d’une source lumineuse dédiée, qui devient problématique à échelle nanométrique.

Crédits : Université de technologie Chalmers

La résolution ultime enfin atteinte

Libérés des contraintes technologiques précédentes, les chercheurs ont pu franchir un seuil historique. Leur prototype mesure environ 1,4 millimètre sur 1,9 millimètre, soit précisément la taille d’une pupille humaine moyenne. Sur cette surface minuscule, qui représente un quatre-millième de celle d’un écran de smartphone standard, ils ont intégré des pixels de seulement 560 nanomètres de largeur.

Cette prouesse technique se traduit par une résolution dépassant 25 000 pixels par pouce. Andreas Dahlin, professeur au département de chimie et de génie chimique de Chalmers, précise l’importance de ce chiffre : chaque pixel correspond approximativement à un photorécepteur individuel de la rétine, ces cellules nerveuses qui convertissent la lumière en signaux biologiques. Au-delà de cette densité, l’œil humain devient physiquement incapable de percevoir davantage de détails.

Pour valider leur invention, les scientifiques ont reproduit une œuvre d’art complexe et détaillée : Le Baiser de Gustav Klimt. L’image s’est affichée avec une fidélité parfaite sur l’écran microscopique, démontrant la capacité du système à restituer des gradients de couleurs subtils et des détails fins.

Vers des mondes virtuels indiscernables

Les implications de cette découverte dépassent largement le cadre technique. Kunli Xiong, concepteur principal du projet à Uppsala, envisage des transformations profondes dans notre interaction avec l’information numérique. La technologie pourrait élargir considérablement les possibilités créatives, améliorer substantiellement la collaboration à distance et même accélérer certains domaines de recherche scientifique.

Giovanni Volpe, de l’Université de Göteborg, souligne qu’il s’agit d’une avancée majeure permettant de miniaturiser drastiquement les écrans tout en améliorant simultanément leur qualité et en réduisant leur consommation énergétique. Bien que la technologie nécessite encore des perfectionnements avant sa commercialisation, l’équipe exprime sa conviction que le papier électronique rétinien jouera un rôle déterminant dans l’évolution de l’optique miniature.

Cette invention, publiée dans la prestigieuse revue Nature, ouvre la voie vers la création de mondes virtuels visuellement indiscernables de la réalité physique. Nous approchons du moment où la frontière entre perception réelle et synthétique deviendra imperceptible, transformant profondément notre relation à l’information visuelle et aux espaces numériques.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.