Une découverte incroyable nous révèle que plusieurs paresseux géants ont péri ensemble dans un habitat riverain marécageux il y a 20 000 ans. Des chercheurs avancent une hypothèse capable d’expliquer cet événement de mortalité massive.
Il y a quelques semaines, des paléontologues de l’École polytechnique nationale de Quito, en Équateur, sont tombés sur un étrange « cimetière ». À l’intérieur gisaient les ossements désarticulés et visiblement piétinés de 22 paresseux géants (espèce Eremotherium), tous morts ensemble il y a environ 20 000 ans. Sur cet échantillon, 15 étaient des adultes. Les autres étaient des subadultes (individus ayant presque atteint la taille adulte) et des juvéniles (dont deux nouveaux-nés).
Tous ces paresseux géants – qui pouvaient être aussi grands que les éléphants modernes – ont été retrouvés coincés dans une ancienne fosse à bitume. Malgré tout, les auteurs ne pensent pas que ce goudron naturel ait effectivement précipité leur mort. Les animaux, assurent-ils, ont péri dans un milieu aquatique, probablement marécageux, avant que leurs ossements ne soient fortuitement préservés par le bitume.
De manière un peu paradoxale, les chercheurs n’ont découvert à proximité aucun fossile de poissons, de tortues ni même de crocodiles qui, normalement, auraient dû fréquenter ce type d’environnement à cette époque. Comment expliquer alors la présence de ces paresseux dans un tel milieu ?
Victimes de leurs propres déjections
Si les chercheurs n’ont retrouvé aucune preuve de créatures marines dans la zone (hormis quelques coquillages), ils ont en revanche découvert les restes, en abondance, de plantes fossiles. Parmi elles beaucoup de brindilles, de feuilles et d’épines, visiblement mâchées et partiellement digérées par les paresseux. Autrement dit, ces 22 spécimens se sont éteints ensemble, entourés de leurs propres matières fécales.
Ces observations ont mené les chercheurs à se rappeler une étude menée dans les années 1970 et à se tourner vers des animaux bien connus de la savane africaine : les hippopotames. À l’époque, 140 spécimens de la réserve de Selous (Tanzanie) avaient été observés pendant 18 mois, tous rassemblés dans un point d’eau au début de la saison sèche. Point d’eau qui, très tôt, s’était rempli de matières fécales.
Au fil du temps, cependant, le niveau de l’eau avait commencé à baisser, tandis que les niveaux de matières fécales avaient continué d’augmenter. Sans surprise, l’eau a rapidement été contaminée par les bactéries, tuant finalement la plupart des hippopotames présents sur place. À la fin de la saison sèche, seuls 40 hippopotames avaient survécu, tandis que les cadavres des autres malheureux jonchaient les bords du point d’eau.
Se pourrait-il qu’il soit arrivé la même chose à ces 22 paresseux ? C’est effectivement ce que pensent les chercheurs. Ce scénario, expliquent-ils, permettrait d’expliquer le nombre de spécimens retrouvés, et le fait qu’ils soient morts en même temps (ou quasiment). Tout comme le manque d’espèces fossiles que l’on trouverait normalement dans un environnement aquatique sain.