capsule vaisseau spacex
Crédits : Alexyz3d/istock

160 personnes voulaient être enterrées dans l’espace. Leur capsule s’est écrasée dans l’océan

Le 23 juin dernier, une petite capsule baptisée Nyx quittait la base de lancement de Vandenberg, en Californie, à bord d’une fusée SpaceX. Objectif : un vol en orbite pour tester un nouveau véhicule spatial européen, conçu par la start-up allemande The Exploration Company (TEC). Mais ce vol, censé marquer une étape décisive dans le développement de la capsule, s’est terminé de façon brutale — et inattendue — dans l’océan Pacifique. À son bord : du cannabis, des graines et… des restes humains.

Ce qui aurait pu ressembler à un scénario de science-fiction un peu douteux est en réalité le reflet des ambitions modernes de l’industrie spatiale privée. Nyx n’était pas un simple démonstrateur technologique. Elle transportait des charges utiles symboliques, scientifiques et commerciales, dans le cadre d’un programme appelé Mission Possible. Ce vol était le deuxième lancé en orbite par TEC en moins de quatre ans, un rythme soutenu pour une jeune entreprise européenne qui entend concurrencer SpaceX sur les vols de ravitaillement.

Cannabis en orbite : un projet scientifique open source

Le cannabis embarqué à bord n’avait rien de récréatif. Il s’agissait d’un élément d’une expérience baptisée Martian Grow, portée par une communauté de science citoyenne. Le but : étudier l’effet de la microgravité sur la germination de graines de cannabis, afin de mieux comprendre comment les plantes réagissent aux conditions extraterrestres. Ce type de recherche s’inscrit dans une perspective à long terme : cultiver des végétaux en environnement spatial ou sur d’autres planètes. Si les graines ont été perdues lors de l’impact en mer, l’expérience reste symboliquement forte, soulignant l’ouverture de la recherche spatiale à des acteurs non institutionnels et à des sujets encore tabous.

Une cargaison funéraire vers les étoiles

Mais l’autre cargaison qui a suscité l’attention est d’un tout autre ordre : les cendres de plus de 160 personnes. Ces restes humains étaient confiés à TEC par l’entreprise américaine Celestis, spécialisée dans les hommages spatiaux. Son service propose à des familles de faire voyager les cendres de leurs proches dans l’espace, pour un hommage posthume hors du commun. Ce n’était d’ailleurs pas la première tentative de Celestis : en 2023, l’entreprise avait déjà perdu une autre cargaison funéraire lors de l’explosion d’une fusée au Nouveau-Mexique.

Malgré cet échec, les proches des défunts ont été prévenus, et la mission conserve une dimension symbolique forte, selon Celestis. Le voyage vers l’espace, même bref, reste un geste de mémoire unique. Néanmoins, pour TEC, cette perte s’ajoute à un revers technique qu’il faudra corriger rapidement.

Nyx capsule vaisseau
Crédits : The Exploration Company

Un crash et des leçons à tirer

La cause de l’échec est désormais connue : les parachutes d’atterrissage de Nyx ne se sont pas déployés. TEC a admis que ce système n’avait pas été testé en chute libre avant le vol, une décision assumée dans le cadre d’une stratégie visant à réduire les coûts et à accélérer le développement. Le modèle de parachute utilisé avait déjà volé avec SpaceX, mais cela n’a pas suffi.

Dans un communiqué, TEC a parlé d’un « succès partiel », saluant les avancées techniques malgré l’échec de la récupération. Sa PDG, Hélène Huby, a tenu à assumer publiquement la responsabilité de cet échec, tout en défendant l’audace nécessaire pour innover dans un secteur aussi complexe.

« Ce genre de revers fait partie du chemin », a-t-elle déclaré. « Nous apprenons, nous corrigeons, et nous allons de l’avant. »

L’innovation spatiale passe aussi par les erreurs

Loin de constituer un coup d’arrêt, cet incident illustre les défis auxquels font face les nouvelles entreprises du spatial. Le secteur privé y progresse rapidement, avec des choix parfois risqués mais assumés. TEC ne compte pas ralentir le rythme : son prochain vol est déjà en préparation, avec un objectif clair de fiabilité renforcée.

Au-delà du crash, Mission Possible montre que l’espace est devenu un laboratoire pour toutes sortes d’expérimentations — scientifiques, personnelles et même philosophiques. Des graines aux cendres, ce voyage avorté est le reflet d’un avenir où l’espace ne sera plus seulement le domaine des agences nationales, mais un territoire partagé entre industrie, citoyens et mémoire.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.