La Lune peut-elle devenir l’avant-poste de la recherche extraterrestre ?

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Crédits : 8385/Pixabay

Il y a quelques jours, un groupe de chercheurs soumettait un article à la National Academy of Sciences, plaidant en faveur de la création d’un radiotélescope SETI sur la face cachée de la Lune. Mais pour quoi faire, exactement ?

Le SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) regroupe des chercheurs visant à détecter la présence de civilisations extraterrestres avancées dans l’Univers. Pour ce faire, ils s’appuient essentiellement sur l’instrumentation disponible au sol, et ce, depuis plusieurs décennies. Le problème est que notre planète est devenue très « bruyante » dans la partie du spectre radio observée par la SETI. De ce fait, elle menace de noyer tout signal envoyé par une civilisation intelligente. L’idée serait donc de pouvoir « écouter » le ciel depuis un environnement beaucoup plus « calme » : la Lune.

Non seulement un radiotélescope lunaire n’aurait en effet pas à faire face à nos interférences radio, mais il pourrait également augmenter considérablement nos chances d’entendre des signaux extraterrestres en permettant la capture de parties du spectre radio naturellement bloquées par l’atmosphère terrestre.

L’idée de s’appuyer sur la Lune pour la radioastronomie ne date évidemment pas d’hier. En revanche, les chercheurs soutiennent que les progrès technologiques opérés au cours de ces dernières décennies pourraient bientôt permettre l’installation d’un tel observatoire.

«L’infrastructure de transport pour se rendre sur la Lune est désormais beaucoup moins chère», justifie Eric Michaud, du SETI Berkeley Research Center et premier auteur de l’article. «Peut-être pas aujourd’hui, mais je pense que cela deviendra de plus en plus réalisable avec le temps».

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Le radiotélescope de Green Bank joue un rôle de premier plan dans le programme SETI. Crédits : NRAO/AUI

Deux approches possibles

Ce nouveau document propose deux solutions. La première vise à placer un radiotélescope en surface accompagné d’un orbiteur. Concrètement, pendant que le premier « écoute » le ciel et enregistre des données de l’autre côté de la Lune, le second se charge de les relayer vers la Terre.

Le problème de telles installations est qu’elles ne pourraient étudier le ciel que pendant de brèves périodes. En outre, si le télescope serait effectivement protégé des interférences humaines, ce ne serait pas toujours le cas de son orbiteur, en orbite au-dessus de la surface lunaire.

La seconde approche serait de transformer un cratère lunaire en radiotélescope. Cette idée a déjà été envisagée à la fin des années 1970 par des chercheurs du Stanford Research Institute. En fin de compte, ils avaient conclu qu’une telle installation serait trop chère par rapport aux télescopes SETI qui pourraient être construits sur Terre. De plus, on estimait à l’époque qu’un établissement humain serait nécessaire pour construire et faire fonctionner ces antennes radio.

Néanmoins, quarante ans plus tard, l’astronome Eric Michaud pense que la construction d’une antenne parabolique dans un cratère lunaire pourrait finalement être assez bon marché. L’un des principaux moteurs de cette réduction des coûts est l’avènement de fournisseurs de lancements commerciaux tels, que SpaceX et Rocket Lab. De nos jours, les systèmes robotiques se sont également suffisamment améliorés pour qu’il soit possible de sortir les humains de l’équation.

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Transformer un cratère lunaire en radiotélescope sera-t-il bientôt possible ? Crédits : WikiImages/Pixabay

Investir un cratère, la NASA y pense aussi

Notez que cette approche intéresse également la NASA. En avril dernier, l’agence américaine a en effet accordé de nouvelles subventions dans le cadre de son programme Innovative Advanced Concepts (NIAC). Et l’un d’eux vise à installer un radiotélescope de un kilomètre de diamètre à l’intérieur d’un cratère lunaire. L’idée serait d’utiliser des rovers pour déployer un treillis métallique dans un cratère et suspendre un récepteur au-dessus de l’antenne.

Évidemment, rien ne dit que ce projet se concrétisera un jour. Néanmoins, la résolution des problèmes techniques associés à la construction d’un tel récepteur radio est une première étape importante.

En effet, des défis, il y en aura. Pour rappel, les nuits lunaires durent environ quatorze jours terrestres. Aussi, un observatoire devrait trouver un moyen d’obtenir de l’énergie qui ne repose pas sur des panneaux solaires. Et les besoins énergétiques d’un observatoire de cette taille seraient substantiels.

La NASA a bien développé de petits réacteurs nucléaires capables de fournir suffisamment de puissance pour maintenir une base lunaire en état de marche. Nous pourrions donc imaginer le déploiement de moyens similaires pour un radiotélescope lunaire. En revanche, jusqu’à présent, aucun de ces réacteurs n’a été testé dans l’espace.

Alors, verrons-nous jamais un observatoire SETI sur ou autour de la lune ? Les chercheurs en sont convaincus. « À mesure que l’accès à l’espace deviendra moins cher et plus démocratisé, l’astronomie s’y déplacera et je pense qu’une grande partie de cela se fera à partir de la surface lunaire« , note en effet Andrew Siemion, directeur du Berkeley SETI Research Center. Après des décennies de recherches infructueuses, peut-être aurons-nous alors notre « premier contact » ?