Les lettres de Marie-Antoinette à son cher Comte Suédois désormais non censurées

Marie-Antoinette
Crédits : Élisabeth Vigée Le Brun

Une équipe s’est appuyée sur une technique aux rayons X dans le but d’appréhender le texte rédigé dans les lettres échangées entre l’ancienne reine de France Marie-Antoinette et son tendre ami Axel von Fersen.

Les lettres censurées

Certains associent Marie-Antoinette à l’affaire du collier de diamants, à son royal époux Louis XVI et à la Révolution française, mais rappelons que sa vie colorée comprenait également une possible histoire d’amour clandestine avec son ami proche et confident Axel von Fersen, un comte suédois avec lequel elle échangeait des lettres. Certaines, qui ont depuis atterri dans les archives nationales françaises, ont même été écrites entre les étés 1791 et 1792, alors que la reine était étroitement surveillée après une tentative d’évasion ratée.

Seulement, voilà, entre le moment où les lettres ont été écrites et le moment où elles sont arrivées aux archives, un mystérieux acteur les a censurées, griffonnant de nombreux mots avec des cercles d’encre en boucle serrée. Pour certains, il pourrait s’agir de son grand-oncle, le baron de Klinckowström, soucieux de préserver la réputation de sa famille face aux rumeurs selon lesquelles la reine de France et le comte suédois étaient amants.

Toujours est-il que s’il montre effectivement la profondeur de l’affection de Marie-Antoinette pour son ami proche pendant une période de troubles, le contenu non censuré de ces lettres ne précise pas pour autant s’ils avaient une liaison. De nombreux historiens se sont alors demandé si ces lignes censurées pouvaient offrir de nouvelles perspectives sur la relation entretenue.

Marie-Antoinette
Pastel de Marie-Antoinette réalisé par Joseph Ducreux en 1769 à l’intention du Dauphin afin qu’il puisse faire connaissance de sa future épouse. Crédits : Joseph Ducreux

Une réelle affection

Dans le cadre de ces nouveaux travaux, dont les résultats sont publiés dans la revue Science Advances, des chercheurs se sont appuyés sur la spectrométrie de fluorescence des rayons X (XRF) afin de déchiffrer huit de ces correspondances. Dans le contexte qui nous intéresse aujourd’hui, la technique aura permis d’appréhender les signatures chimiques de l’encre utilisée dans le but de visualiser le texte sans endommager les manuscrits.

Les chercheurs ont néanmoins dû faire face à une difficulté : le mystérieux censeur a en effet utilisé la même encre que l’écriture originale, créant un enchevêtrement noir d’encre superposée. Les premiers scans XRF ont finalement révélé que les deux textes, qui ont été gravés avec de l’encre courante à base de sulfate de fer, présentaient différents niveaux de cuivre et de zinc qui entrent parfois dans la composition de ces sulfates.

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Pendant 150 ans, le contenu de ces lettres était resté inconnu. Crédits : CRC
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Les chercheurs ont essayé plusieurs méthodes pour dévoiler le contenu des rédactions, avant que la spectroscopie de fluorescence X ne prévale. Crédits : CRC

Les chercheurs ont ainsi pu différencier les encres, révélant des démonstrations sentimentales d’affection supplémentaires entre la reine de France et le comte suédois : des mots comme « bien-aimé », « tendre ami », « adorer » et « follement » sont effectivement ressortis.

Les chercheurs ont également pu conclure que von Fersen lui-même avait probablement censuré ces lettres. « Il a décidé de garder ses lettres au lieu de les détruire, mais en caviardant certaines sections, indiquant qu’il voulait protéger l’honneur de la reine (ou peut-être aussi pour ses propres intérêts)« , soulignent les auteurs. « Ces expurgations sont un moyen d’identifier les passages qu’il considérait comme privés« .

« Très clairement, Marie-Antoinette avait une affection très profonde pour von Fersen, qui à ce stade de son existence est l’un des piliers de son affection« , souligne Catriona Seth, professeur de littérature française à l’Université d’Oxford. Et visiblement, cette affection était réciproque. Pour cette dernière en revanche, ces épanchements ne sont pas encore la preuve d’une véritable histoire d’amour.